Contexte 9.1 Nous avons d’abord pris connaissance du projet de Justice intégrée Nouveau-Brunswick (JINB) en effectuant notre suivi des observations de 1993 pour notre rapport de 1995. Dans ce rapport, notre bureau notait que les ministères de la Justice et du Solliciteur général et Andersen Consulting négociaient un contrat visant à « créer un cadre opérationnel uniforme et intégré pour l’administration et l’exécution de la justice dans la province. » 9.2 Dans notre rapport de 1995, notre bureau notait aussi que la proposition d’Andersen Consulting représentait une nouvelle approche de l’approvisionnement : « Nous croyons comprendre que la proposition de JINB se fonde sur le principe selon lequel les coûts du projet, y compris les solutions technologiques, seront assumés par Andersen Consulting. Andersen Consulting sera payé à même les économies réalisées grâce au remaniement des méthodes administratives. Pas d’économies, pas d’honoraires. » 9.3 Les coûts prévus du projet oscillaient alors entre 8 millions et 45 millions de dollars. Le Conseil de gestion a approuvé le projet en décembre 1995, les ministères de la Justice et du Solliciteur général ont alors reçu l’autorisation de signer un contrat négocié avec Andersen Consulting. L’entente SDSI (Solution Development and Systems Integration) [élaborations de solutions et intégration de systèmes] de JINB a été parachevée le 13 juin 1996. 9.4 En août 1996, le Conseil de gestion a approuvé la poursuite des projets relatifs aux composantes de JINB à la condition qu’Andersen Consulting soit en mesure de fournir ou de trouver le financement. Les ministères de la Justice et du Solliciteur général devaient inciter Andersen Consulting à avoir un mécanisme de financement en place le 31 décembre 1996 au plus tard. 9.5 Dans notre rapport de 1996, nous avons examiné les recommandations que nous avions formulées en 1995 en ce qui concerne la Division des services aux tribunaux du ministère de la Justice. Le ministère avait alors répondu que les divers volets du projet de JINB allaient donner suite à la presque totalité des recommandations de notre bureau. 9.6 En avril 1997, un communiqué de presse des ministères de la Justice et du Solliciteur général dévoilait que le financement du projet de JINB n’avait pu être établi en temps opportun. Les ministères et Andersen Consulting avaient « décidé d'un commun accord de rompre leur collaboration en ce qui concerne le projet de justice intégrée ». 9.7 Le 12 juin 1997, le Conseil de gestion a autorisé les ministères de la Justice et du Solliciteur général à conclure avec Andersen Consulting une entente de règlement ne dépassant pas 2,9 millions de dollars. 9.8 Le 26 juin 1997, le sous-ministre de la Justice et le solliciteur général adjoint ont signé une entente de résiliation et de libération de contrat avec Andersen Consulting. L’entente prévoyait le versement à Andersen Consulting par le gouvernement du Nouveau-Brunswick d’une somme de 2,9 millions de dollars, à la suite duquel tous les droits, titres et intérêts, y compris les droits de propriété intellectuelle, de tous les éléments du projet de JINB seraient dévolus à la province. La somme de 2,9 millions de dollars, comprise dans les dépenses de 1996-1997 des ministères de la Justice et du Solliciteur général, a été versée tôt en 1997-1998. Étendue 9.9 Le travail effectué par notre bureau vise à déterminer, à partir de l’information fournie par les ministères de la Justice et du Solliciteur général, la valeur reçue en contrepartie de la somme de 2,9 millions de dollars versée à Andersen Consulting. Nous avons également cherché à déterminer si le montant du paiement était raisonnable dans les circonstances. 9.10 Un examen de la documentation conservée par les ministères ainsi que des demandes de renseignements verbales et écrites ont permis de recueillir l’information. Résumé des résultats 9.11 Le gouvernement du Nouveau-Brunswick a déboursé environ 4,3 millions de dollars pour le projet de JINB durant son existence, soit une somme de 2,9 millions de dollars versée à Andersen Consulting et une somme de 1,4 million de dollars déboursée par le gouvernement pour d’autres biens et services. 9.12 La valeur reçue en contrepartie de la somme de 2,9 millions de dollars versée à Andersen Consulting est incorporelle. Il est possible que le gouvernement du Nouveau-Brunswick ne retire pas du projet la valeur de son investissement. 9.13 Selon les chiffres obtenus des ministères et vu les circonstances au moment de la signature de l’entente de résiliation et de libération, nous concluons que le paiement de 2,9 millions de dollars versé à Andersen Consulting a donné lieu à un règlement sensiblement inférieur aux montants facturés pour le travail achevé. Il semble également que d’autres coûts possibles ont été évités à la suite de ce règlement. Valeur 9.14 Le gouvernement a déboursé depuis 1994 une somme totale estimée à 4,3 millions de dollars pour le projet de JINB. Outre le règlement de 2,9 millions de dollars versé à Andersen Consulting, le gouvernement, par l’entremise des ministères de la Justice et du Solliciteur général, a déboursé de son côté la somme de 1,4 million de dollars. 9.15 L’information ministérielle montre que la somme de 1,4 million de dollars a servi plusieurs fonctions. Entre autres, 0,6 million de dollars ont été dépensés en coûts salariaux pour le personnel affecté au projet durant son existence. Les frais divers ont coûté 0,5 million de dollars. Des logiciels et du matériel valant approximativement 0,3 million de dollars ont été acquis durant l’existence du projet, ce qui représente l’aspect le plus « concret » de la valeur obtenue en contrepartie de ces paiements. 9.16 Pour ce qui est du règlement de 2,9 millions de dollars, Andersen Consulting a renoncé à ses droits sur la documentation sur support papier et sur la propriété intellectuelle découlant de l’entente SDSI. Ces droits appartienent maintenant à la province. 9.17 Les ministères ont expliqué que la valeur des dépenses en question ne tient pas tellement à la valeur du papier, mais à la formation et à l’expérience dont a profité le personnel des ministères concernés. Les méthodes d’Andersen Consulting ont non seulement été enseignées au personnel, mais elles ont également été appliquées au cours du travail accompli jusqu’à présent dans le cadre du projet de JINB. 9.18 De plus, les ministères nous ont dit qu’une certaine valeur vient du fait que l’environnement dans lequel devait fonctionner JINB a été documenté. Bien qu’une partie de cette documentation puisse être considérée comme unique ou désuète, une bonne proportion aura une utilité future. Par exemple, notre bureau croit comprendre que de nombreuses « architectures » ont été rassemblées non seulement sur les fondements techniques, mais aussi sur le contexte culturel et procédural des ministères et sur leurs méthodes administratives et leur personnel. L’expérience acquise grâce au rassemblement de la documentation servira de base au travail qui sera réalisé en regard de JINB, quel que soit le moment. Des exemples de cette documentation ont déjà servi dans la continuation ou dans la mise en œuvre de projets envisagés à l’origine par JINB. 9.19 La pleine valeur des biens « incorporels » comme l’expérience et le savoir acquis grâce au contrat avec Andersen Consulting sur le projet de JINB sera-t-elle réalisée? Elle sera pleinement réalisée seulement si les ministères poursuivent les projets et s’ils trouvent un moyen de diffuser le savoir et l’expérience à d’autres, tant au sein de leurs ministères qu’à l’échelle du gouvernement. 9.20 D’autres ministères continuent de remanier et de modifier leurs méthodes et leurs technologies de l’information. Il ne serait ni efficient, ni raisonnable pour chacun de « réinventer la roue » pour lancer ou mettre en œuvre un projet aussi complexe que le projet de JINB. 9.21 Des mécanismes existent actuellement pour aider les ministères à « offrir » à d’autres ministères une expérience ou un savoir particuliers qu’ils ont acquis (p.ex. Comité consultatif sur les systèmes d’information). Les ministères de la Justice et du Solliciteur général participent à de tels mécanismes, mais cela ne suffirait peut-être pas à faire en sorte que le gouvernement tire la pleine valeur de sa participation au projet. 9.22 La valeur obtenue en contrepartie de la somme de 2,9 millions de dollars versée à Andersen Consulting est incorporelle. La pleine valeur ne sera peut-être pas réalisée, à moins que les projets de JINB soient activement poursuivis ou que la connaissance et le savoir acquis à l’égard d’un projet d’une telle complexité soient diffusés à l’échelle du gouvernement. Réponse du ministère de la Justice 9.23 Le ministère de la Justice est en train de remplacer le système d’information de justice en matière criminelle, qui est un système de base pour l’administration de la justice en matière criminelle. La conception du système est moins ambitieuse que ce qui était envisagé à l’origine dans le cadre du programme de JINB, mais c’est un début qui montre l’engagement du ministère à l’égard du concept original du programme de JINB. Tout au long du processus, nous avons fait appel à des intervenants clés, y compris les ministères des Transports, du Développement des ressources humaines, des Finances, du Solliciteur général ainsi que de la Santé et des Services communautaires pour élaborer la conception. Nous sommes également déterminés à suivre les normes technologiques du gouvernement. [Traduction.] Caractère raisonnable 9.24 Avant la signature de l’entente de résiliation et de libération le 26 juin 1997, les rapports entre le gouvernement du Nouveau-Brunswick et Andersen Consulting étaient gouvernés par l’entente sur l’élaboration de solutions et l’intégration de systèmes (SDSI) du projet de JINB. 9.25 En nous fondant sur l’examen de l’entente en question, nous concluons que tant le gouvernement qu’Andersen Consulting avaient la capacité de mettre fin à l’entente sur préavis de 30 jours s’il y avait de la part de l’autre partie l’inexécution d’une obligation importante ou un non-achèvement substantiel de l’ouvrage. Cependant, si le gouvernement avait fourni à Andersen Consulting un motif pour résilier l’entente, il aurait été tenu de payer Andersen Consulting pour tous les services rendus et tous les frais engagés à leur plein taux habituel. 9.26 Selon l’information fournie par les ministères de la Justice et du Solliciteur général, le montant à payer à Andersen Consulting à la valeur marchande de ses biens et services aurait été d’environ 4,1 millions de dollars durant la période de l’entente SDSI. 9.27 Outre la disposition de résiliation qui précède, le gouvernement pouvait également résilier l’entente « par commodité » sur préavis de 30 jours. Si la province avait décidé de résilier l’entente pour un tel motif, elle aurait été tenue de verser à Andersen Consulting 125 % du total des services rendus, des frais et des « coûts de démobilisation ». Les 25 % supplémentaires auraient servi à dédommager Andersen Consulting pour les pertes de revenus ou de possibilités d’affaires pendant la durée de l’entente. Selon l’information fournie par les ministères, ces sommes additionnelles auraient pu atteindre 1,0 million de dollars. 9.28 Le ministère de la Justice a indiqué que, si le gouvernement avait choisi de porter en justice la rupture du contrat avec Andersen Consulting, il aurait pu avoir à assumer des coûts allant de 1,5 million à 2,0 millions de dollars répartis sur trois ans ou plus. Ces chiffres ne tiennent pas compte de la compensation éventuelle qui aurait pu être attribuée à Andersen Consulting à la suite du litige. Par ailleurs, l’issue du litige était très incertaine. 9.29 Il est important de noter que, en vertu des dispositions de résiliation originales de l’entente SDSI, le versement des derniers paiements à Andersen Consulting aurait quand même donné lieu à l’abandon des droits de propriété intellectuelle à Andersen Consulting pour le travail effectué jusque là. Ces droits seraient probablement demeurés la propriété d’Andersen Consulting, puisqu’aucun projet n’avait encore été achevé, livré et accepté par le gouvernement, comme il était prévu dans l’entente. 9.30 La somme de 2,9 millions de dollars versée à Andersen Consulting en vertu de l’entente de résiliation et de libération a donné lieu au transfert des droits de propriété intellectuelle au gouvernement du Nouveau-Brunswick pour le travail effectué jusqu’à présent. 9.31 À partir des chiffres obtenus des ministères et vu les circonstances au moment de la signature de l’entente de résiliation et de libération, nous concluons que le paiement de 2,9 millions de dollars versé à Andersen Consulting a donné lieu à un règlement sensiblement inférieur aux montants facturés pour le travail achevé. Il semble également que d’autres coûts possibles ont été évités à la suite de ce règlement. Réponse du ministère de la Justice 9.32 Il est possible que la dernière phrase de la conclusion sous-estime la situation. La conclusion pourrait se lire comme suit : « des coûts additionnels importants, y compris des frais de litige, ont été évités à la suite de ce règlement ». 9.33 Je crois qu’il vaut la peine de noter que, une fois reconnu le fait que le programme ne pouvait être achevé comme prévu, le ministère a fait tous les efforts possibles pour minimiser les coûts additionnels qu’un litige prolongé aurait entraînés pour résilier notre association avec Andersen. [Traduction.]