Introduction 1.1 Le ministre des Finances nous a demandé de faire rapport à l’Assemblée législative sur la séquence des événements qui a mené à l’intervention du gouvernement auprès de la Caisse populaire de Shippagan (CPS). Cette demande a été faite en vertu de l’article 11(1) de la Loi sur le vérificateur général. En vertu de l’article 11(2) de cette loi, le vérificateur général détient les pouvoirs de commissaire prévus dans la Loi sur les enquêtes, dont celui d’obliger des témoins à comparaître. 1.2 En raison de la nature de ce travail, nous avons retenu les services de KPMG Forensic Inc. (KPMG) pour effectuer le travail sur le terrain. Dans le cadre de son travail, KPMG a demandé à quatre membres de l’ancien groupe de la haute direction de la CPS de consentir à une entrevue; trois ont refusé. L’ancien directeur général a consenti à une entrevue, mais divers empêchements ont fait qu’il a été impossible d’organiser la rencontre. Nous n’avons obligé aucune de ces personnes à parler à KPMG. Nous avons décidé de ne pas invoquer les pouvoirs dont nous disposons en vertu de la Loi sur les enquêtes parce que ce n’est pas notre manière habituelle de procéder. 1.3 Le présent rapport est fondé sur l’information que nous a remise KPMG Forensic Inc. Nous y avons inclus l’information fournie par KPMG qui aide à expliquer ce qui s’est passé. Nous présentons également nos propres opinions sur certains événements. Ces opinions sont en italiques dans le texte de façon à être repérables. Les opinions auxquelles nous sommes parvenus sont les nôtres, pas nécessairement celles de KPMG Forensic Inc. Par ailleurs, ces opinions et conclusions peuvent différer de celles auxquelles d’autres pourraient parvenir. À la fin du rapport, nous formulons six recommandations en réponse à la demande du ministre des Finances de donner notre opinion sur la manière de mieux éviter ce genre d’exposition à l’avenir. Principaux points 1.4 La CPS a accumulé d’importantes pertes qui ont fait que le gouvernement du Nouveau-Brunswick a dû dépenser 37 millions de dollars de l’argent des contribuables, en plus d’accorder une garantie de 16,5 millions de dollars pour stabiliser la CPS. Les importantes pertes subies par la CPS qui ont nécessité une infusion d’argent par le gouvernement sont imputables à l’un ou à plusieurs membres de l’ancien groupe de la haute direction de la CPS. Quatre membres de la haute direction ont été congédiés de la CPS en 2004. Tandis que la direction était à blâmer pour les pertes, d’autres auraient pu prévenir ou minimiser les pertes plus tôt dans la séquence des événements, en particulier le conseil d’administration de la CPS durant la période nous avons examinée. 1.5 À notre avis, certaines des mesures prises par l’ancien directeur général, M. Belonie Mallet, ont causé des préjudices financiers à la CPS, tout en semblant l’avantager personnellement. Il est plus difficile de dire dans quelle mesure les autres membres de la haute direction ont pu être impliqués dans les mêmes activités. 1.6 Les activités irrégulières qui ont eu lieu à la CPS étaient subtiles. Elles visaient à donner l’impression que la caisse était profitable et en croissance, tout en masquant les problèmes financiers auxquels elle faisait face. Lorsque les vérificateurs externes et les organismes de réglementation sont venus près de mettre les problèmes au jour, la CPS a utilisé des tactiques agressives pour les empêcher de prendre les mesures nécessaires. Comme l’organisme semblait bien aller, un ou plusieurs membres de l’ancien groupe de la haute direction étaient généreusement rémunérés et percevaient d’importants dividendes sur une catégorie d’actions privilégiées de la CPS. 1.7 Les actions de la direction peuvent avoir été en partie motivées par le désir d’assurer une entreprise fructueuse ou de susciter la croissance des entreprises de la région. Les membres de la direction auraient peut-être pu rationaliser leurs actions en invoquant le fait que la CPS était une entreprise en croissance qui rehaussait le prestige de la région, soutenait les entreprises locales et aidait les gens ayant de mauvais antécédents de crédit à rétablir leur crédit, et par des actions telles que faire don d’actions privilégiées de la CPS à une université du Nouveau-Brunswick. 1.8 Quoi qu’il en soit, le thème commun des problèmes qu’a connus la CPS jusqu’en 2004 est le défaut d’agir : le défaut d’un ou de plusieurs membres de l’ancienne équipe de la haute direction de gérer l’entreprise de manière responsable; le défaut du conseil d’administration de l’époque d’assurer une surveillance efficace de l’organisme; le défaut des vérificateurs, certainement, de signaler pour les clôtures d’exercice des 31 mai 2002 et 2003 des inexactitudes importantes dans les états financiers de la CPS; le défaut du CUSF/RMA de reconnaître la gravité de certaines des questions qu’il a relevées lors des inspections effectuées dans les débuts de la période que nous avons examinée; le défaut du régime de réglementation d’accorder des pouvoirs suffisants au CUSF/RMA pour l’habiliter à agir lorsqu’il a pris connaissance des problèmes; le défaut du surintendant des caisses populaires d’agir en temps opportun même s’il avait le pouvoir de le faire; le défaut du gouvernement de l’époque d’avoir en place un surintendant des caisses populaires à temps plein doté de ressources suffisantes durant cette période critique. 1.9 Tandis que le CUSF/RMA devrait porter une partie du blâme, nous avons constaté que, une fois que l’organisme s’est rendu compte de l’ampleur de ce qui se passait à la CPS, il a tout fait en son pouvoir pour tenter d’y mettre un terme. Mais CUSF/RMA n’avait tout simplement le pouvoir de prendre des mesures significatives. Si le surintendant avait pris des mesures au moment où le recommandait le CUSF/RMA, les pertes totales pour les contribuables du Nouveau-Brunswick auraient probablement été deux fois moins élevées que les pertes qui ont finalement eu lieu. 1.10 C’est pendant les exercices 2001 et 2002 que la nécessité d’une intervention rapide aurait dû être évidente et que cette intervention aurait pu minimiser les pertes qui auront finalement lieu. La rapidité d’action en 2003 aurait aussi pu contribuer à réduire les pertes, mais rendu en 2003, une bonne partie des pertes qui auront finalement lieu avaient déjà été accumulées. 1.11 Le seul élément positif dans cette séquence d’événements est le fait que, en 2004, le nouveau conseil d’administration et la nouvelle présidente du conseil, Jacqueline Hébert, se sont rendu compte que la CPS était en difficulté et avait besoin de surveillance. Le conseil a alors demandé au surintendant de placer la CPS sous surveillance. 1.12 Les retombées du problème continuent à se faire sentir. Le travail ayant mené à la préparation du présent rapport a coûté aux contribuables plus de 1,4 million de dollars répartis sur trois exercices. Ce coût aurait aussi pu être évité si la surveillance organisationnelle et réglementaire avait été ce qu’elle aurait dû être. 1.13 Nous traitons de la séquence des événements qui ont mené à l’intervention du gouvernement auprès de la CPS sous les rubriques suivantes. • pratiques de gestion; • provision pour pertes; • autres questions de comptabilité; • rémunération des cadres; • questions relatives à la gouvernance; • les vérificateurs et leur vérification des états financiers; et • questions relatives à la réglementation. Pratiques de gestion Introduction 1.14 Un ou plusieurs membres de l’ancien groupe de la haute direction de la CPS ont employé un certain nombre de pratiques de gestion discutables qu’ils ont protégées en adoptant une attitude de confrontation à l’égard des vérificateurs externes et des organismes de réglementation de la caisse. 1.15 À notre avis, la CPS a fait preuve de mépris à l’égard du processus de réglementation, et en particulier le rôle de surveillance assumé par le CUSF/RMA. Plus le CUSF/RMA tentait d’obtenir de la CPS qu’elle se conforme aux règles, aux règlements, aux politiques et aux mesures législatives, plus la CPS repoussait ces efforts. À de nombreuses occasions, des avocats ont été engagés soit pour exprimer des avis juridiques, soit parce que la CPS avait entamé une action en justice. Pratiques en matière de prêts 1.16 KPMG a relevé un certain nombre de pratiques de gestion reliées au portefeuille de prêts qui semblaient inhabituelles, comme il est décrit ci-dessous. Établissement de provisions pour prêts 1.17 Dans la section du présent rapport sur la provision pour pertes, nous relevons un certain nombre de pratiques de gestion déficientes concernant l’établissement des provisions pour pertes. Un bon résumé des nombreuses faiblesses de la démarche suivie par la direction pour déterminer le montant approprié de provision à inscrire se trouve dans un rapport daté du 1er juin 2004 préparé par le cabinet comptable Marcil Lavallée pour le CUSF/RMA. 1.18 Marcil Lavallée soulignait dans le rapport que, dans de nombreux cas, la CPS n’avait pas adéquatement constaté les prêts douteux lorsque la qualité du crédit d’un emprunteur s’était gravement détériorée et que le recouvrement du prêt ne présentait aucune assurance raisonnable. Les comptables ont également déterminé que la CPS n’avait pas évalué la moins-value afférente aux prêts en souffrance ni la valeur de réalisation de la sûreté prise sur le prêt. 1.19 Marcil Lavallée ajoutait dans son rapport que la CPS n’avait pas évalué le retard dans de nombreux prêts sur marge de crédit et de prêts commerciaux sur marge de crédit dépassant les limites autorisées, et elle n’avait pas évalué la moins-value des comptes ayant un découvert important sans marge de crédit autorisée, y compris ceux que la CPS avait signalés comme présentant un risque élevé. Provision incorrectement inscrite dans les états financiers mensuels 1.20 La CPS préparait des états financiers mensuels à des fins internes. KPMG a appris au cours des entrevues que la provision totale pour les comptes douteux était déterminée au début de l’exercice et passée en charge mensuellement selon un montant équivalant à 1/12e du montant prévu au budget, plutôt que sur la meilleure estimation à ce moment. Cette façon de procéder signifie que quiconque examinait un état financier mensuel de la CPS, y compris son conseil d’administration, n’aurait pas obtenu un portrait juste de l’état des montants dus à la CPS. Comme nous le verrons dans la section sur la provision pour pertes du présent rapport, lorsque le CUSF/RMA a soulevé la question, la CPS a réagi en inscrivant des éléments d’actif et de passif compensatoires pour donner l’impression qu’elle inscrivait la provision de façon mensuelle. Cette action était une mesure irrégulière qui semble avoir été conçue pour duper le CUSF/RMA. 1.21 La question de l’inscription de provisions mensuelles a fini par faire l’objet d’un examen par un comité d’arbitrage mis sur pied par la Cour du Banc de la Reine à la suite de l’appel devant la cour par la CPS d’une décision du surintendant. Le comité d’arbitrage a indiqué dans son opinion que : [Traduction.] la caisse devrait inscrire la provision pour prêts douteux dans l’état des résultats tous les mois. La caisse calcule la provision pour prêts douteux mensuellement, et elle prépare des états mensuels à des fins internes. Ayant calculé le solde, nous ne voyons rien dans le chapitre 3025 [du Manuel de l’Institut canadien des comptables agréés] qui justifie la méthode de report et d’amortissement utilisée par la caisse. […] Nous reconnaissons que l’inscription de la variation réelle de la provision chaque mois pourrait entraîner d’importantes fluctuations dans la charge mensuelle et avançons qu’il s’agit là de la réalité et que le conseil de la caisse sera mieux informé des résultats réels des activités s’il comprend les motifs des écarts entre les provisions prévues au budget et les provisions réelles. Cela pourrait aussi donner lieu à des directives du conseil visant à aider la direction dans le consentement de prêts à certaines industries, etc., en temps opportun ou dans la prise d’autres décisions ayant trait à l’octroi de crédit à certains moments. Prêts dépassant les limites prescrites 1.22 À diverses occasions, la CPS a permis que des prêts individuels dépassent la limite de prêt maximale pour les prêts commerciaux, qui était de 1,0 million de dollars. Dans un cas, au 31 mai 2003, le prêt d’un groupe d’entreprises avait dépassé de 1,5 million de dollars la limite permise. 1.23 La CPS a aussi permis le dépassement de la limite de concentration maximale du groupe, qui était de 2,5 millions de dollars, dans un certain nombre de cas, dont un cas où le dépassement a atteint plus de 3,0 millions de dollars. 1.24 Les politiques de crédit de la CPS faisaient que les comptes pouvaient se trouver à découvert de façon temporaire jusqu’à concurrence de 45 jours. Les politiques de crédit de la CPS approuvées par le CUSF/RMA prévoyaient un découvert maximum de 30 000 $ pour les membres individuels et un solde à découvert total maximum de 150 000 $ pour la caisse. Le conseil de la CPS avait approuvé des limites plus élevées, mais elles n’ont pas été approuvées par le CUSF/RMA. KPMG a relevé une situation dans laquelle le découvert était continu et avait atteint la somme de 2,1 millions de dollars au 31 mai 2004. KPMG a relevé des exemples d’emprunteurs commerciaux à qui il avait été permis de faire des paiements sur leur prêt à même leur compte à découvert, alors que le découvert du compte dépassait les limites autorisées. 1.25 La limite autorisée de nombreuses marges de crédit était dépassée, le dépassement ayant atteint un maximum de 10,8 millions de dollars au 31 mai 2004, soit 139,1 % du dépassement au 31 mai 2002. 1.26 KPMG n’a trouvé aucun élément probant dans l’information qu’on lui a remise montrant qu’un ou des membres de l’ancien groupe de la haute direction de la CPS avaient systématiquement examiné les détails des prêts, la solvabilité ou le profil de risque avec le CUSF/RMA, comme l’exige la Loi sur les caisses populaires (la Loi), lorsque le total cumulatif des prêts dépassait la limite autorisée. 1.27 Le rapport d’inspection du 15 mai 2000 produit par le CUSF/ RMA relève des variations dans les processus d’approbation et de demande et les exigences de sécurité dans plus de 60 % des nouveaux comptes de prêts personnels vérifiés par sondages et dans plus de 90 % des nouveaux comptes de prêts commerciaux inspectés. 1.28 La CPS était aussi en contravention de l’article 5a) du Règlement 94-5 afférent à la Loi sur les caisses populaires, lequel exigeait que les prêts hypothécaires ne dépassent pas 75 % du prix de vente et de la valeur d’expertise du bien, le montant le plus bas étant retenu. La position de la CPS décrite dans sa réponse du 16 juin 2000 au rapport d’inspection du CUSF/RMA était que la caisse s’appuyait sur l’article 103 de la Loi, en vertu duquel les administrateurs et dirigeants doivent agir avec soin, diligence et compétence, comme le ferait en pareilles circonstances une personne prudente. Prêts à l’extérieur de la province 1.29 Selon les règlements de la Loi, sous réserve de l’approbation explicite du surintendant des caisses populaires, qui n’a jamais été accordée, la CPS devait limiter ses activités au Nouveau-Brunswick. À ce titre, les membres de la CPS et les prêts consentis par la CPS devaient être limités aux résidents du Nouveau-Brunswick. KPMG a constaté que la CPS avait consenti de nouveaux prêts à l’extérieur de la province d’une valeur de 16 millions de dollars pour l’exercice terminé le 31 mai 2004. Au total, de nouveaux prêts d’une valeur de 30,2 millions de dollars ont été consentis à l’extérieur de la province durant la période allant de 1998 à 2004. KPMG a constaté que, au 31 mai 2004, la CPS avait consenti 146 prêts à un taux d’intérêt de 29,9 % qui étaient détenus par des clients à l’extérieur du Nouveau- Brunswick, pour une valeur nominale totale de près de 1,2 million de dollars. 1.30 D’après les courriels et autres pièces de correspondance obtenus par KPMG, il semble que le fait de consentir des prêts à l’extérieur de la province était une stratégie d’affaire de l’ancien groupe de la haute direction. Notamment, il y a eu un prêt de 750 000 $ qui constituait un investissement risqué dans un pays étranger. KPMG n’a trouvé aucun élément probant montrant que l’ancien groupe de la haute direction avait effectué quelque analyse financière du prêt. Ce prêt a été accordé durant l’exercice terminé le 31 mai 2000 et, rendu en mars 2001, l’entreprise avait cessé de faire des paiements de capital sur le prêt. Activités à risque élevé 1.31 La CPS s’est engagée dans un certain nombre d’activités à risque élevé. Dès 1998, le surintendant avait émis des doutes sur la pratique de la CPS d’offrir des taux d’intérêt supérieurs à ceux du marché sur des certificats de dépôt aux déposants de l’extérieur de la province. 1.32 Par la suite, la CPS a commencé à faire concurrence à d’autres établissements de prêts plus importants sur divers produits à risque élevé tels que des prêts à taux d’intérêt élevés, mais elle avait très peu d’expérience en la matière. Notamment, la CPS a consenti un prêt à un taux d’intérêt de 29,9 %. KPMG a découvert que, durant la période où la CPS accordait des prêts à des taux d’intérêt élevés, soit entre octobre 2001 et avril 2004, elle consentait en moyenne 40 nouveaux prêts par jour. 1.33 Le CUSF/RMA et certains membres du conseil de la CPS ont signalé qu’ils n’ont jamais vu de plan d’activités approprié pour les nouveaux prêts à un taux d’intérêt de 29,9 %. On a dit à KPMG que le processus de recouvrement de ces prêts à intérêt élevé avait pris environ neuf mois et que, au début, personne n’assurait le suivi des prêts en souffrance ni ne s’occupait de la reprise de possession des biens. 1.34 Durant la même période, la CPS abordait activement les concessionnaires de véhicules d’occasion du Nouveau-Brunswick, du Québec et d’ailleurs au Canada atlantique. La CPS offrait de financer les acheteurs de véhicules auprès du concessionnaire et offrait au concessionnaire une marge de crédit ou un prêt pour financer son stock de véhicules. La CPS a fini par conclure une centaine de ces arrangements avec des concessionnaires. 1.35 La CPS accordait aussi du crédit à risque plus élevé à ses clients commerciaux habituels. Par exemple, un client commercial avait de la difficulté à faire ses paiements, puisant à même une marge de crédit de la CPS déjà à découvert pour rembourser le prêt. Il devait aussi de l’argent à d’autres prêteurs, et ces autres prêteurs avaient priorité sur la CPS sur bon nombre des biens de l’entreprise. Le 6 juin 2001, l’entreprise a manqué à son obligation de rembourser ses autres prêteurs. Malgré cette situation, la CPS a quand même prêté à l’entreprise la somme supplémentaire de 1,6 million de dollars entre le 31 mai 2001 et le 31 mai 2003. Le processus du « flushage » 1.36 KPMG a appris au cours des entrevues que des changements étaient régulièrement apportés aux dossiers du portefeuille de prêts de la CPS à la demande d’un ou de plusieurs membres de l’ancien groupe de la haute direction de la CPS. Cette pratique était appelée le « flushage ». La CPS semble avoir utilisé le processus du « flushage » pour apporter des redressements temporaires aux dossiers de prêts. À la suite de ce processus, le classement chronologique des prêts dans le système et, en conséquence, l’évaluation des prêts en souffrance ne reflétaient pas les contrats de prêt originaux signalés au comité de crédit de la CPS. 1.37 Lors des entrevues tenues avec des membres du personnel et du conseil, KPMG a appris qu’ un ou plusieurs membres de l’ancien groupe de la haute direction de la CPS ordonnaient à l’occasion au personnel de modifier les montants des prêts pour les faire passer de leur montant initial à un cent. Ainsi, si le cent plus les intérêts accumulés étaient payés, le prêt ne figurerait pas dans les rapports sur les comptes en souffrance. KPMG a trouvé 1 309 modifications du genre, dont 1 038 ont été rétablis à une autre valeur par la nouvelle direction de la CPS en 2004. 1.38 KPMG a aussi appris qu’un ou plusieurs membres de l’ancien groupe de la haute direction de la CPS ordonnaient à l’occasion au personnel de modifier la date du prochain paiement sur un prêt afin d’inscrire une date ultérieure sans fournir beaucoup d’explications. Comme il peut y avoir des raisons légitimes de modifier la date du prochain paiement, KPMG n’a pas pu déterminer lesquelles de ces 33 110 modifications étaient légitimes, et lesquelles étaient faites à des fins de « flushage ». KPMG a tout de même pu déterminer en raison de la répartition des modifications qu’une partie de ces modifications ont été apportées en marge des pratiques opérationnelles habituelles. Nous croyons comprendre que le report de la date d’un prochain paiement à une date ultérieure faisait en sorte que le prêt en souffrance ne figurerait pas dans le rapport des comptes en souffrance. 1.39 KPMG a également appris qu’un ou plusieurs membres de l’ancien groupe de la haute direction de la CPS ordonnaient à l’occasion au personnel de changer la date d’échéance de certains prêts sans fournir beaucoup d’explications. Encore une fois, il peut exister des raisons légitimes de modifier la date d’échéance d’un prêt, de sorte qu’il est impossible de dire lesquelles des 9 471 modifications du genre relevées par KPMG étaient faites à des fins de « flushage ». Il semble que, en changeant la date de certains prêts, la CPS pouvait reporter leur date d’échéance à l’exercice suivant, de sorte que ces prêts ne figuraient plus dans les comptes en souffrance. Faiblesses dans la documentation 1.40 La documentation des dossiers de prêt était médiocre, et KPMG a souligné que la qualité et la période de conservation de tels documents n’étaient pas conformes à la réglementation. Certains dossiers de prêts examinés par KPMG contenaient peu de documents, et ceux qui en contenaient étaient incomplets. Lorsque de l’information financière avait été versée au dossier, dans certains cas, il n’existait aucun élément prouvant que l’information avait été examinée; dans les cas où une analyse financière avait été faite, elle était souvent incomplète ou incompatible avec la documentation au dossier. 1.41 KPMG a relevé un certain nombre de cas où les dates des prêts d’un groupe d’entreprises avaient été changées, mais il n’a trouvé pour ce groupe aucune documentation dans les dossiers de prêt pour justifier les changements des dates de remboursement ni les approbations exigées. Suivi des prêts aux employés 1.42 Selon la configuration du système comptable informatisé de la CPS, les employés ayant accès au contrôle des prêts auraient pu modifier leurs propres prêts. Tous les changements apportés aux prêts aux employés étaient consignés dans un rapport du système auquel avait accès l’ancienne haute direction de la CPS, mais KPMG n’a trouvé aucun élément prouvant que ces rapports avaient fait l’objet d’un suivi. 1.43 Nous croyons comprendre que, dans le cas des prêts aux employés, tout ajout ou toute modification des modalités d’un prêt en cours exigeait l’approbation du comité de crédit. KPMG n’a trouvé aucune preuve d’une telle approbation. 1.44 KPMG n’a trouvé aucune transaction de valeur ayant mené à des changements aux prêts aux employés ou aux membres de l’ancienne haute direction de la CPS qui aurait été considérée comme inhabituelle ou préférentielle. Attitude de confrontation 1.45 KPMG a remarqué que le ton de la correspondance émanant de la CPS était généralement celui de la confrontation, quel que soit l’objet de cette correspondance. Cette attitude de confrontation est visible dans un certain nombre de situations. Relations avec Grant Thornton 1.46 L’attitude de confrontation de la direction a joué dans la démission de Grant Thornton à titre de vérificateur externe après la clôture de l’exercice du 31 mai 2001. KPMG a interviewé Grant Thornton, qui l’a informé de deux raisons pour lesquelles il avait démissionné. La première est le conflit croissant avec un ou plusieurs membres de l’ancien groupe de la haute direction de la CPS au sujet de l’adoption de modifications émergentes aux règles comptables, de modifications proposées et de l’acceptation d’écritures de journal proposées. De plus, Grant Thornton estimait qu’un ou plusieurs membres de l’ancien groupe de la haute direction de la CPS traitaient son personnel de manière agressive. Différend avec le CUSF/ RMA au sujet de la nécessité d’une provision générale 1.47 Un différend entre la haute direction de la CPS et le CUSF/ RMA au sujet de l’interprétation du chapitre 3025 du manuel de l’Institut Canadien des Comptables Agréés (ICCA) et de la nécessité d’inscrire une provision générale pour pertes a vu le jour aussi tôt que 2001. Le CUSF/RMA a adressé 10 ordres à la CPS le 16 janvier 2003 en vertu du paragraphe 265(1) de la Loi, dont l’un exigeait ce qui suit : [Traduction.] Au plus tard le 28 février 2003, la Caisse doit déterminer le montant à inscrire dans ses états financiers et autres livres comptables à titre de provision générale pour les comptes douteux (en plus de provisions pour des prêts douteux spécifiques). Une telle détermination doit être faite par la Caisse de manière raisonnable, de bonne foi et conformément aux pratiques opérationnelles saines. 1.48 La CPS a reçu les opinions de deux cabinets comptables comparant les exigences du manuel aux exigences précisées par le CUSF/RMA dans ce qui semble être une tentative de réfuter l’interprétation par le CUSF/RMA du chapitre 3025. Nous estimons que ces deux opinions étaient vagues et ne réfutaient pas la position du CUSF/RMA selon laquelle une provision générale devait être inscrite. 1.49 Le 3 février 2003, la CPS a demandé une audition devant le surintendant concernant les ordres du 16 janvier 2003; une audition préalable a eu lieu en mai 2003, suivie de mémoires adressés au surintendant en juin 2003 et d’une audition en juin 2003 également. Le 19 décembre 2003, le surintendant a maintenu l’ordre exigeant l’établissement d’une « provision générale », modifiant uniquement la date de conformité. Le 16 janvier 2004, la CPS a interjeté appel devant la cour de la décision du surintendant, qui a établi un comité d’arbitrage pour déterminer si les ordres du CUSF/RMA relativement à l’inscription de provisions étaient en accord avec le chapitre 3025 du manuel de l’ICCA. En ce qui concerne l’établissement d’une provision générale, le comité d’arbitrage a déclaré que, à son avis, l’exigence de déterminer et d’inscrire une provision générale correspondait à une interprétation correcte du chapitre 3025. Différend avec le CUSF/ RMA au sujet du droit d’émettre des hypothèques dépassant 75 % de la valeur 1.50 Comme il est mentionné précédemment, la CPS contrevenait à l’article 5a) du règlement de la Loi prévoyant que les prêts hypothécaires ne dépassent pas 75 % du prix de vente et de la valeur d’expertise du bien, le montant le plus bas étant retenu. Le CUSF/ RMA a soulevé la question dans son rapport d’inspection du 6 mai 1997. 1.51 La position de la CPS sur la question, décrite dans sa réponse du 16 juin 2000 au rapport d’inspection du 15 mai du CUSF/RMA, était que la CPS s’appuyait sur l’article 103 de la Loi, selon lequel les administrateurs et dirigeants doivent agir avec soin, diligence et compétence, comme le ferait en pareilles circonstances une personne prudente. Selon la CPS, l’article 5a) du règlement contredisait l’article 103 de la Loi, et elle était prête à s’adresser aux tribunaux sur la question. 1.52 À l’époque de ce différend au sujet des prêts hypothécaires, le conseil de la CPS a adopté une résolution voulant que la caisse se retire de la Credit Union Central of New Brunswick (CUCNB), et donc du CUSF/RMA. Les motifs pour lesquels cette résolution a été adoptée ne sont pas clairs, mais elle a été renversée le 5 octobre 2000. 1.53 Le 14 novembre 2000, conformément à l’article 265(1) de la Loi, le CUSF/RMA a ordonné à la CPS de se conformer à l’article 5a) du règlement. Environ un an plus tard, dans une lettre datée du 31 octobre 2001, la CPS constatait que la création d’un poste d’agent de contrôle du portefeuille des hypothèques allait régler le problème. 1.54 À titre d’exemple, KPMG a examiné un prêt personnel visant deux hypothèques pour un total de 253 000 $ sur deux propriétés dont la valeur d’expertise était de 248 000 $. Ces hypothèses ont été pleinement remboursées. Façon de procéder du CUSF/ RMA pour l’inspection de 2002 1.55 D’après la correspondance, en 2002, la CPS a commencé à remettre en question l’autorité et les constatations du CUSF/RMA lorsque le CUSF/RMA a demandé que certains éléments d’information lui soient remis avant le début de la visite sur place pour l’inspection de 2002. La CPS a répondu que l’information allait être mise à la disposition des inspecteurs à leur arrivée sur place; la CPS a aussi dit qu’elle n’était pas en mesure de fournir un local aux inspecteurs dans l’immeuble du bureau central. L’inspection de 2002 a finalement mené à la délivrance par le CUSF/RMA de 10 ordres visant la CPS. L’avocat-conseil de la CPS a écrit au surintendant et au CUSF/RMA le 8 janvier 2003 pour dire qu’il craignait que, en modifiant son processus d’inspection pour adopter une méthode de gestion des risques de l’entreprise, le CUSF/RMA contrevenait à la Loi. La CPS a aussi demandé une audition devant le surintendant au sujet des 10 ordres délivrés par le CUSF/RMA. Le 21 mars 2003, le CUSF/RMA a demandé au surintendant de placer la CPS sous surveillance. Le 19 décembre 2003, le surintendant a rendu une décision qui maintenait les 10 ordres délivrés par le CUSF/RMA. Le 16 janvier 2004, la CPS a informé le CUSF/RMA qu’elle interjetait appel de la décision du surintendant devant la Cour du Banc de la Reine au sujet des 10 ordres. Informations inexactes fournies par l’ancienne direction 1.56 En octobre 2001, le CUSF/RMA a posé des questions au sujet des limites approuvées sur des prêts consentis à un groupe d’entreprises. La CPS a répondu que, même si le total exigible se chiffrait à 1 176 000 $, ce total comprenait une somme de 200 000 $ sous forme de marge de crédit. De plus, comme le gouvernement du Nouveau-Brunswick avait accordé une garantie d’emprunt de 450 000 $ sur les 976 000 $ restants, il restait en fin de compte seulement 526 000 $ qui n’étaient pas entièrement garantis, somme qui, selon la CPS, respectait sa limite autorisée. Lorsque KPMG a examiné les prêts en cours de ce groupe d’entreprises à la date en question, il a découvert que, en plus des montants communiqués par la CPS au CUSF/RMA, le groupe d’entreprises devait aussi la somme de 830 953 $, ce qui signifiait qu’il avait dépassé la limite permise pour les prêts commerciaux. 1.57 Le 13 avril 2000, le Bureau du contrôleur du Nouveau- Brunswick a demandé à la CPS de confirmer au 31 mars 2000 le montant total de la dette d’une entreprise qui avait reçu des garanties d’emprunt du gouvernement provincial. La CPS a répondu que le solde de la dette se chiffrait à 435 000 $. KPMG a extrait du système comptable de la CPS des données qui montraient que le montant réel exigible à la date demandée était de 866 000 $. 1.58 Lors de l’inspection d’octobre 2002 du CUSF/RMA, le personnel de la CPS a indiqué qu’il restait environ 25 reprises de possession de véhicules à faire. Cependant, le CUSF/RMA a constaté que le montant total des prêts-autos en souffrance depuis au moins 60 jours montrait que 232 véhicules auraient dû être repris à cette date. Relations entre la direction et le conseil d’administration 1.59 Dans la section sur la gouvernance du présent rapport, nous discutons du fait que le Conseil s’appuyait beaucoup sur un ou plusieurs membres de l’ancien groupe de la haute direction. KPMG a aussi appris que certains membres du conseil ne se sentaient pas à l’aise pour aborder avec l’ancien directeur général la question de la formation des membres du conseil. On leur a dit qu’une formation n’était pas nécessaire et qu’ils apprendraient sur le tas. Provision pour pertes Introduction 1.60 Dans la présente section, nous présentons notre analyse de la provision pour pertes inscrite par la direction de la CPS durant la période à l’étude. Dans cette analyse, nous avons examiné un certain nombre de facteurs, dont certains se chevauchent. Nous établissons aussi dans la présente section notre estimation du montant de la provision qui, à notre avis, aurait dû être inscrit pour chacun des exercices terminés le 31 mai 1996 à 2003 inclusivement. À partir de cette analyse, nous avons conclu qu’un ou plusieurs membres de l’ancien groupe de la haute direction de la CPS avaient sciemment sous-évalué le montant de la provision à inscrire dans les états financiers. La sous-évaluation du montant de la provision est la principale méthode par laquelle ils ont caché le véritable état du portefeuille de prêts de la CPS. Valeur des prêts et des provisions déclarés dans les états financiers de la CPS 1.61 Le tableau qui suit résume les prêts en cours et la provision inscrits par la direction pour les prêts des exercices terminés le 31 mai de 1996 à 2004. C’est la nouvelle direction de la CPS qui a déterminé la provision de l’exercice terminé le 31 mai 2004. 1.62 Notre analyse de la provision se divise en deux périodes, soit 1996-2001 et 2002-2003. Provisions pour la période 1996-2001 Examen analytique de la provision 1.63 La première chose que nous avons remarquée dans les chiffres du tableau 1 est la diminution du pourcentage de la provision pour les exercices de la période 1997 à 2000. 1.64 Selon l’analyse de KPMG des états financiers d’autres caisses populaires du Nouveau-Brunswick, le ratio des provisions aux prêts en cours pour la période allant du 31 mai 1998 au 31 mai 2001 a été constant, soit 1,1 %, comme le montre le tableau 2. 1.65 Dans le tableau qui suit, nous avons recalculé la provision de la CPS pour la période 1996-2001 en fonction de deux scénarios : le premier suppose que le pourcentage de la provision était d’au moins 0,8 %, comme il l’était au 31 mai 1996, pour chaque exercice jusqu’au 31 mai 2001, et le second suppose un pourcentage annuel de 1,1 %. En vertu de ces scénarios, l’effet aurait été le suivant : 1.66 D’autres signes laissaient entendre qu’un examen plus serré de la provision était nécessaire durant ces exercices; par exemple, les importantes augmentations de la valeur des prêts en cours avaient de quoi inquiéter. La ventilation des prêts en cours par catégorie était la suivante : 1.67 Cette analyse soulève certaines questions; ainsi, pourquoi la valeur des prêts personnels a-t-elle augmenté de 31,5 % en 1998, puis d’un autre 17 % en 1999? Comme la région de Shippagan ne connaissait pas une telle croissance à l’époque, il y avait d’autres explications possibles, par exemple : prêts transférés d’autres établissements à la CPS; emprunteurs actuels qui augmentent le montant de leur prêt; la CPS qui attire des emprunteurs de secteurs non traditionnels; la CPS qui consent des prêts à des emprunteurs qu’elle avait considérés comme présentant un risque trop élevé par le passé. Il est peu probable que l’augmentation s’explique par de nouveaux clients venant d’autres établissements de crédit, et les autres raisons possibles laissent entendre qu’il s’agit de prêts plus risqués. Le même genre de questions peut être posé à propos des hypothèques, qui ont augmenté de 12,1 % en 1997, de 21,6 % en 1998 et de 10,2 % en 1999. 1.68 Le CUSF/RMA a exprimé des préoccupations relativement à la qualité des prêts de la CPS dans son rapport d’inspection du 16 décembre 1998, rapport dans lequel l’organisme fait des commentaires sur la philosophie générale de la CPS en matière de prêts, la qualifiant d’agressive. Le CUSF/RMA soulignait aussi dans le rapport d’inspection que 14 nouveaux comptes commerciaux nécessitant l’approbation du comité de crédit du système du CUSF avaient été ouverts, mais que 10 de ces 14 comptes n’avaient pas passé par le CUSF aux fins d’approbation. 1.69 À notre avis, les importantes augmentations des soldes des prêts durant la période voulaient probablement dire que le risque de non-paiement augmentait aussi. Provision spécifique 1.70 Pour établir les provisions, un ou plusieurs membres de l’ancien groupe de la haute direction de la CPS examinaient des montants spécifiques dus à la CPS et décidaient du montant de la provision à inscrire pour chacun. KPMG a analysé certains prêts consentis par la CPS durant la période 1997-2001. Selon cette analyse, des indices révélaient que des problèmes existaient relativement aux provisions spécifiques enregistrées par la CPS en regard de ses prêts pour l’exercice 2001. Trois ensembles de prêts commerciaux consentis à trois groupes d’entreprises illustrent les problèmes. 1.71 Les soldes de prêts impayés pour ces trois groupes d’entreprises pour les exercices 1999, 2000 et 2001 étaient les suivants : 1.72 Les provisions inscrites dans les états financiers vérifiés de clôture d’exercice de la CPS pour ces mêmes prêts étaient les suivantes : 1.73 La province a accordé des garanties d’emprunt à la CPS pour une partie des montants en question, et le rapport d’inspection du 15 mai 2000 publié par le CUSF/RMA confirme que le montant de la provision inscrit par la CPS était suffisant. L’une des entreprises détenait des prêts d’autres établissements de crédit et avait remis en garantie aux autres prêteurs la majeure partie de ces biens. 1.74 Au 31 mai 2001, il semble que les provisions enregistrées pour ces groupes d’entreprises en particulier étaient insuffisantes. Deux de ces groupes d’entreprises perdaient régulièrement de l’argent – pour un total atteignant 2,0 millions de dollars à la fin de leur exercice terminé en décembre 2000 – et avaient au 31 décembre 2000 des fonds propres négatifs combinés de 1,7 million de dollars. Le troisième groupe d’entreprises attendait de gagner une poursuite en justice pour devenir financièrement viable. 1.75 Rendu au 31 mai 2004, ces trois groupes d’entreprises devaient environ 14,4 millions de dollars à la CPS, et la nouvelle direction a établi une provision de 11,5 millions de dollars, soit environ 80 % du total. Nécessité d’une provision générale 1.76 Notre examen analytique partait de l’hypothèse que le taux de 0,8 % de 1996 pour la provision était un taux de base approprié, mais qui comprenait uniquement des montants visant des prêts risqués spécifiques. Le paragraphe .04 du chapitre 3025 du manuel de l’ICCA prévoit ce qui suit : L’existence d’une moins-value sur la totalité du portefeuille de prêts d’une entité est établie par l’appréciation de la qualité du crédit pour chacun des prêts et pour chacun des groupes de prêts qui composent le portefeuille. Lorsque c’est faisable, la moins-value est déterminée pour chaque prêt en fonction du jugement du prêteur quant à la solvabilité de chacun des emprunteurs. Dans certains cas, toutefois, il n’est pas possible de déterminer l’ampleur totale de la moins-value afférente à un portefeuille de prêts en procédant uniquement à une appréciation prêt par prêt. Une appréciation de l’incidence des événements récents, de l’évolution de la conjoncture économique ainsi que des tendances générales de l’économie peut indiquer que, pour des groupes de prêts accordés à des emprunteurs dans un secteur d’activité ou dans un secteur géographique particulier, la qualité du crédit s’est détériorée. En pareil cas, la moins-value additionnelle qui ne peut être déterminée prêt par prêt fait l’objet d’une estimation pour l’ensemble du groupe. 1.77 Le CUSF/RMA a soulevé la question de l’inscription d’une provision générale en plus de la provision spécifique dans son rapport d’inspection du 16 décembre 1998. La CPS a refusé d’établir une provision générale, ce qui a provoqué un long différend entre la CPS et le CUSF/RMA au sujet de la nécessité d’une provision générale, comme il est expliqué dans la section sur les pratiques de gestion du présent rapport. 1.78 À son arrivée en poste en 2004, la nouvelle direction a établi une provision générale de 22,8 millions de dollars pour l’exercice terminé le 31 mai 2004, somme qui correspondait à 9 % de la valeur totale des prêts en cours et à environ 40 % de la provision spécifique établie. Cependant, comme la CPS a consenti des prêts particulièrement risqués en 2002 et en 2003, les facteurs qui auraient été pris en considération dans la provision générale de 2004 n’auraient pas été les mêmes qu’en 2001 et avant. 1.79 Nous avons préparé l’analyse de sensibilité suivante pour les exercices antérieurs en prenant 0,8 % comme taux de base pour la provision, puis en calculant les valeurs possibles d’une provision générale à partir de trois hypothèses différentes. Provisions redressées estimatives 1.80 Le tableau 8 rassemble tous les éléments de l’analyse. Ce faisant, nous avons reconnu que les augmentations qui auraient découlé de l’évaluation du risque supplémentaire ou de l’augmentation du taux de base pour le faire passer de 0,8 % à 1,1 % pouvaient possiblement entraîner une certaine double comptabilisation de la provision générale. En conséquence, nous avons inclus dans le tableau récapitulatif la provision originale, un redressement à un taux de base de 0,8 % et une estimation de la provision générale. Nous avons employé une provision générale de 50 % de la provision de base, car nous présumons qu’il est peu probable que quiconque ait proposé à l’époque d’établir une provision générale plus élevée. 1.81 Les taux de provision qui découlent de cette analyse sont semblables au taux moyen de 1,1 % des autres caisses populaires durant la même période. 1.82 Une autre observation à faire sur cette période concerne les commentaires dans les rapports d’inspection du CUSF/RMA au sujet de la provision. Le rapport d’inspection du 6 mai 1997 était généralement positif et indiquait que la provision de 986 134 $ du 28 février 1997 était suffisante. Le rapport d’inspection suivant, publié le 16 décembre 1998, montre que le CUSF/RMA est davantage préoccupé, comme nous le décrivons précédemment dans cette section. Cependant, il conclut en disant que la provision de 1 016 400 $ au 31 août 1998 était suffisante à ce moment. Le dernier rapport d’inspection de la période à l’étude a été publié le 15 mai 2000, et le CUSF/RMA était généralement d’accord avec la provision de 879 000 $ au 20 février 2000. Provisions de 2002 et de 2003 Risque accru 1.83 Dans chacun des exercices 2002 et 2003, la dépense pour créances irrécouvrables a augmenté considérablement par rapport à l’exercice précédent. Alors que la dépense a augmenté avec la croissance du portefeuille de prêts, la dépense des exercices terminés le 31 mai 2002 et le 31 mai 2003 ne tenait pas compte du risque accru que la CPS prenait durant ces années. La valeur des prêts personnels a augmenté de 23,1 % pour l’exercice 2002 et de 24,3 % pour l’exercice 2003, même après les importantes augmentations des exercices antérieurs. En fait, en 2002, la CPS a consenti des prêts d’une valeur de 14,5 millions de dollars à des taux d’intérêt dépassant 25 %, et des prêts d’une valeur de 8,3 millions de dollars à des taux d’intérêt se situant entre 15 % et 25 %. En 2003, la CPS a consenti des prêts d’une valeur de 16,3 millions de dollars à des taux d’intérêt dépassant 25 %, et des prêts d’une valeur de 10,2 millions de dollars à des taux d’intérêt si situant entre 15 % et 25 %. À titre comparatif, le total de tous les prêts accordés en 1998 par la CPS à des taux d’intérêt supérieurs à 15 % s’était chiffré à moins de trois cent mille dollars. Pour les exercices 2002 et 2003, environ 30 % de tous les prêts consentis par la CPS étaient assujettis à ces taux d’intérêt très élevés – un changement considérable à son profil de risque. Nous avons vu que le taux de la provision des portefeuilles des caisses populaires a tendance à être peu élevé, mais la nouvelle direction de la CPS a déterminé que le taux de la provision pour les prêts à taux d’intérêt élevés devait être de 14,6 % au 31 mai 2004. 1.84 Au cours de cette période, les comptes à découvert ont augmenté chaque année en nombre et en importance. Le nombre de comptes à découvert a augmenté de 46,2 % entre 2002 et 2004. Durant la même période, le solde relié aux comptes à découvert a augmenté de 326,5 %, surtout en raison de l’augmentation du solde à découvert d’une entreprise en particulier, qui est passé de 6 336 $ au 31 mai 2002 à 2 336 323 $ au 31 mai 2004. 1.85 Nous croyons comprendre que, comme les comptes à découvert n’étaient classés ni comme une marge de crédit, ni comme un prêt traditionnel, le système de la CPS n’a pas signalé les comptes à découvert en tant qu’élément distinct ni classé ces comptes dans le bon ordre chronologique. Selon les documents fournis à KPMG, l’ancienne haute direction de la CPS ne semblait pas prendre en considération les comptes ayant un solde à découvert dans le calcul de la provision pour pertes. 1.86 KPMG a observé dans les documents comptables de la CPS des écritures montrant que les paiements versés aux comptes de prêts d’une certaine entreprise étaient financés par une augmentation du découvert du compte de cette entreprise alors que, avant que ces paiements soient imputés au compte à découvert, l’entreprise avait déjà dépassé de plus de 900 000 $ sa limite autorisée de découvert. Par ailleurs, la dette de l’entreprise dépassait de 1,5 million de dollars la limite de prête maximale pour les prêts commerciaux. En permettant que des comptes dont le découvert dépasse les limites autorisées servent à rembourser le principal et les intérêts de prêts, la CPS a augmenté son risque de crédit et n’a pas révélé le véritable classement chronologique des prêts dans les reports sur les comptes en souffrance. 1.87 Une deuxième entreprise a fait des paiements sur prêt financés par une marge de crédit dont la limite autorisée avait été dépassée, donnant l’impression que le prêt était courant. 1.88 L’autre changement important qui a eu lieu durant la période en question est survenu quand le CUSF/RMA a commencé à faire part de son désaccord avec la provision enregistrée par la CPS. Selon le rapport d’inspection publié le 26 octobre 2001, la provision au 31 août 2001 devait être accrue de 1 282 000 $. Cependant, il semble que même le CUSF/RMA savait que le problème était encore plus grave. Une note de service interne du CUSF/RMA en date du 6 décembre 2001 soulevait les points suivants : • La CPS approuve des prêts-autos pour des demandeurs ayant une cote de crédit très mauvaise à un taux d’intérêt de 29,9 %. • Ces prêts à taux d’intérêt élevés ne sont pas le genre de prêts qui doivent être financés par des dépôts assurés, et des ordres devraient être délivrés pour demander à la CPS de mettre un terme à cette pratique. • Bon nombre des comptes très en retard n’avaient pas été examinés lors de la dernière inspection, et une inspection pourrait être justifiée simplement pour soumettre les prêts en souffrance à un examen approfondi. 1.89 Le rapport d’inspection suivant du CUSF/RMA, publié le 10 janvier 2003 est encore plus sévère, indiquant que la CPS devait augmenter sa provision spécifique au 31 octobre 2002 de 5 429 488 $. Le rapport indique aussi que les prêts commerciaux en souffrance avaient augmenté de plus de 49 % entre septembre 2001 et septembre 2002. Le rapport ajoute ceci : [Traduction.] Le retard dans le recouvrement des prêts de la caisse augmente constamment depuis un certain temps. Ce retard a atteint un point où le CUSF le considère excessif en regard de pratiques opérationnelles saines. Comme le dénote la substantielle augmentation qu’il est nécessaire d’apporter aux provisions, le retard dans le remboursement des prêts à haut risque et des prêts commerciaux a considérablement augmenté. Le retard dans le recouvrement des prêts à risque élevé nous préoccupe grandement en raison de l’inefficacité du processus de recouvrement et de reprise de possession. 1.90 Le rapport d’inspection souligne également certains secteurs de risque accru, par exemple de mauvaises pratiques opérationnelles, les prêts à haut risque, la grande difficulté d’adhérer aux limites de prêt et les importants soldes à découvert non autorisés. Provisions estimatives 1.91 Ces deux rapports d’inspection nous donnent d’autres points de données pour les exercices 2002 et 2003. Ces rapports montrent ce qui suit : 1.92 Étant donné le risque considérable découlant des prêts consentis par la CPS en 2002 et en 2003, il n’est pas possible d’étendre notre analyse de la période 1996-2001 aux exercices 2002 et 2003. D’après le travail du CUSF/RMA, il est évident que, même sans l’ajout d’une provision générale, la provision signalée dans les états financiers du 31 mai 2003 était grandement sous-évaluée. Alors qu’il est moins évident que la provision du 31 mai 2002 est sous- évaluée, l’analyse montre que le CUSF/RMA avait déterminé que la provision nécessaire au 31 octobre 2002 dépassait de 8,2 millions de dollars la provision nécessaire 11 mois plus tôt, au 30 novembre 2001. Mais, lorsque la direction a enregistré sa provision du 31 mai 2002 au bout de 6 mois dans cette période de 11 mois, le montant inscrit ne dépassait que de 1,3 million de dollars le montant de novembre 2001. De plus, on note toujours l’absence d’une provision générale. 1.93 D’après cette information, nous estimons que la provision qui aurait dû être inscrite au minimum aurait été comme suit : 1.94 Comme nous l’avons indiqué, la direction ne pouvait s’appuyer sur les rapports d’inspection du CUSF/RMA pour confirmer ses estimations de provision durant la période en question. En fait, les rapports d’inspection montraient des différences très marquées avec les provisions enregistrées par la direction. Provision spécifique 1.95 L’examen des mêmes prêts spécifiques que ceux que nous regardions pour les exercices 1999 à 2001 nous révèle que les soldes suivants étaient dus pour les exercices 2002 et 2003 : 1.96 Le total des sommes dues a augmenté de 3,5 millions de dollars durant l’exercice 2002 de la CPS et de 3,6 millions de dollars durant l’exercice 2003. 1.97 Les provisions inscrites dans les états financiers vérifiés de fin d’exercice pour ces mêmes prêts étaient les suivantes : 1.98 KPMG a également trouvé un rapport d’Equifax daté du 4 avril 2001 dans lequel il est indiqué qu’un certain nombre de créanciers avaient enregistré des réclamations à l’encontre de l’un de ces groupes d’entreprises, mais la CPS n’a modifié en rien son approche en matière de crédit concernant ce groupe. Pratiques en matière de tenue de livres 1.99 De plus, durant cette période, KPMG a déterminé qu’un ou plusieurs membres de l’ancien groupe de la haute direction de la CPS avaient adopté une pratique de tenue de livres qui semble avoir eu comme but de donner l’impression aux inspecteurs du CUSF/RMA que des provisions plus élevées étaient correctement enregistrées, alors que ce n’était pas le cas. 1.100 KPMG a appris lors des entrevues que la provision totale pour les comptes douteux était déterminée au début de chaque exercice et passée en charge mensuellement, selon un montant équivalant à 1/ 12e de la provision prévue au budget. Chaque mois, la différence entre la provision requise, fondée sur l’examen des prêts, et le montant mensuel prévu au budget était inscrite dans un compte prépayé ou dans un autre compte de bilan. KPMG a déterminé que cette pratique aurait été appliquée du milieu de 2001 jusqu’à la fin de 2003 au moins, ce qui couvre donc les exercices terminés le 31 mai 2002 et 2003. 1.101 Par exemple, KPMG a déterminé que, le 26 octobre 2001, la provision pour comptes douteux a augmenté de 1 273 972 $. L’écriture compensatoire a été faite au compte de bilan des charges payées d’avance. Cette écriture comptable a en fait permis à la CPS de produire une liste de la provision pour comptes douteux qui montrait au CUSF/RMA que la provision requise avait été comptabilisée. Cependant, cette écriture comptable n’a pas imputé la charge à l’état des résultats, de sorte que les biens et l’avoir des membres de la CPS n’ont pas diminué à la suite de ces prêts douteux. Comme il est expliqué ci-dessous, à la fin de l’exercice, la charge prépayée a été éliminée, mais elle n’a pas été entièrement imputée aux charges. 1.102 KPMG a observé au 26 octobre 2001 que le montant passé en charge aurait dû être d’au moins 1 309 842 $, alors que les documents comptables montrent une charge de seulement 140 869 $. Rendu à la fin de l’exercice terminé le 31 mai 2002, le montant inscrit en charge avait augmenté pour atteindre 709 604 $, montant toujours grandement inférieur au montant qui aurait dû être passé en charge. 1.103 De plus, KPMG a relevé un certain nombre de cas où les dates des prêts d’un groupe d’entreprises avaient été changées sans justification, y compris un changement de date qui a reporté le remboursement d’un prêt du 11 avril 2003 au 11 octobre 2003. Ce changement a fait que la date de remboursement du prêt a été reportée à la période financière suivante, puisque la fin de l’exercice de la CPS était le 31 mai. Estimations de provision ultérieures 1.104 Il y a lieu de noter que, au bout du compte, la Cour du Banc de la Reine du Nouveau-Brunswick a renvoyé à un comité d’arbitrage le différend entre la CPS et le CUSF/RMA au sujet du montant de la provision requis au 31 octobre 2002. Partant du point milieu des estimations du comité tirées de sa décision du 8 juin 2004, le comité a confirmé 85 % de la provision proposée par le CUSF/ RMA dans son rapport d’inspection pour les prêts spécifiques soumis à l’examen du comité. Le comité a aussi déclaré que, à son avis, l’exigence de déterminer et d’inscrire une provision générale correspondait à la bonne interprétation du chapitre 3025. 1.105 Pour faire l’estimation du montant de la provision requise au 31 mars 2004, le CUSF/RMA a retenu les services du cabinet comptable Marcil Lavallée, qui a estimé qu’il fallait une provision spécifique de 26 millions de dollars. Si nous ajoutons notre estimation de la provision générale de 50 %, la provision totale au 31 mars 2004 serait de 39 millions de dollars. La nouvelle direction de la CPS a estimé que la provision requise au 31 mai 2004, y compris la provision spécifique et la provision générale, s’élevait à 56,2 millions de dollars. Ces chiffres laissent entendre que nos estimations a posteriori de 9,4 millions de dollars au 31 mai 2002 et de 17,4 millions de dollars au 31 mai 2003 sont peut-être trop basses. 1.106 Dans les états financiers du 31 mai 2005 de la CPS, la nouvelle direction a inclus la note suivante : « La provision pour prêts douteux n’a pas été estimée adéquatement par la direction au cours des exercices précédents. De plus, la provision générale à l’égard des prêts, requise en vertu des principes comptables généralement reconnus, n’a pas été comptabilisée ». Incidence sur les états financiers 1.107 Afin d’estimer l’incidence probable sur les états financiers qu’aurait eu la constatation de provisions additionnelles, il est important de comprendre que la direction semble s’être servie de sa comptabilité de la provision et des ristournes pour parvenir à un bénéfice net annuel tout rond de 700 000 $, comme le montre la première ligne du tableau 13. On a dit à KPMG que l’ancien directeur général avait déclaré qu’il était nécessaire de parvenir à un chiffre précis pour le résultat net, mais sans fournir d’explications aux employés. Le montant de 700 000 $ était le même que l’incidence après impôt sur l’avoir des membres de la CPS du fait déclarer des dividendes annuels de 1 000 000 $ sur les parts de placement permanentes de la CPS; c’était donc le montant auquel les dividendes privilégiés n’entraînaient pas de réduction de l’avoir des membres. 1.108 Si l’ancienne direction de la CPS avait inscrit comme provisions les montants que notre analyse suggère, cela n’aurait pas nécessairement eu une incidence directe sur le bénéfice net de tous ces exercices. En effet, la charge annuelle au titre des ristournes était une décision du conseil de la CPS. Dans notre analyse, nous avons supposé que toute augmentation de la dépense pour créances irrécouvrables occasionnée par la constatation de la provision plus élevée aurait été compensée dans la mesure du possible par une diminution des ristournes. Même si l’augmentation totale avait pu être compensée par une diminution des ristournes, il y aurait eu une incidence sur le bilan de la CPS en raison du traitement comptable des ristournes. Le résultat net aurait été le suivant : 1.109 Ce tableau montre que, malgré l’augmentation de la dépense pour créances irrécouvrables, il est probable que le bénéfice net pour les exercices terminés le 31 mai 1996 à 2001 n’aurait pas changé. Les ristournes au cours de ces exercices ont été suffisamment élevées pour absorber la charge accrue pour créances irrécouvrables et, comme les ristournes n’étaient en fait pas remises du tout, leur réduction n’aurait pas touché les membres individuels de la CPS. Le tableau montre aussi que, alors que le bénéfice net n’aurait pas été touché, l’avoir des membres et l’actif total l’auraient été, le ratio au 31 mai 2001 passant de 9,0 % à 7,5 %. Ce pourcentage se situait encore bien au-dessus du ratio exigé pour une caisse populaire au Nouveau-Brunswick. 1.110 L’incidence sur les exercices terminés le 31 mai 2002 et 2003 a été plus marquée. Pour 2002, une perte de 3,4 millions de dollars aurait été déclarée, plutôt qu’un bénéfice net de 0,7 million de dollars. Cela aurait empêché le versement de dividendes de 1 000 000 $ sur les parts de placement permanentes, et le ratio de l’avoir des membres à l’actif aurait été de 5,1 % plutôt que de 8,3 %. Pour l’exercice terminé le 31 mai 2003, il y aurait eu une perte de 9,3 millions de dollars au lieu d’un bénéfice net de 0,7 million de dollars, et le ratio de l’avoir des membres à l’actif aurait été de 1,3 % – soit un pourcentage inférieur au pourcentage exigé pour une caisse populaire du Nouveau-Brunswick. 1.111 À notre avis, même si les chiffres redressés avaient été inscrits, il est peu probable que les changements déclenchent la prise de mesures différentes de la part des organismes de réglementation pour aucun des exercices jusqu’à l’exercice terminé le 31 mai 2001 inclusivement. La constatation d’une perte élevée visant l’exercice terminé le 31 mai 2002 aurait été plus susceptible d’entraîner la prise de mesures réglementaires. Autres questions de comptabilité Introduction 1.112 Outre l’insuffisance de la provision inscrite par la CPS, nous avons relevé l’utilisation d’autres traitements comptables douteux par la CPS. Il s’agit des aspects suivants : • présentation au net des soldes de compte; • constatation des intérêts créditeurs sur les prêts douteux; • constatation des ristournes. Présentation au net des soldes de compte 1.113 Les soldes négatifs des comptes de résultats à découvert n’étaient pas traités comme des prêts dans les documents comptables informatisés de la CPS, et ils n’ont donc pas été reclassés dans les débiteurs aux fins des états financiers. Ces montants ont plutôt été déduits des soldes des comptes de résultats réguliers, le solde net étant inclus dans les dépôts des membres (payables) au bilan. En conséquence, le montant intégral dû à la CPS n’était pas évident dans le système comptable et donc ne l’était pas non plus dans les états financiers. 1.114 Si un membre de la CPS avait deux comptes, le premier ayant un solde positif et le second ayant un découvert, et que la CPS avait le droit exécutoire de compenser un compte par l’autre et l’intention d’établir le solde sur une base nette, alors la présentation au net des montants dans les états financiers de la CPS pourrait être appropriée, selon le manuel de l’ICCA. Sans ce droit de compenser, la présentation au net ne serait pas appropriée. Si la présentation au net n’était pas appropriée, il n’y aurait pas eu d’incidence sur le bénéfice net d’aucun exercice de la CPS, alors que l’augmentation de l’actif déclaré aurait accru le solde minimum de l’avoir des membres que la CPS était tenue de maintenir. 1.115 La valeur des soldes négatifs dans les comptes de résultats à découvert était considérable, passant de 4,4 millions de dollars au 31 mai 1997 à 32,9 millions de dollars au 31 mai 2004. Alors que la CPS aurait eu le droit de compenser certains de ces soldes négatifs, il est probable que certains auraient dû être reclassés et déclarés à titre de créances par la CPS. Constatation des intérêts créditeurs sur les prêts douteux 1.116 Des intérêts créditeurs et des frais d’administration ont été inscrits comme produits à recevoir sur des prêts importants qui étaient en difficulté, sans qu’une provision supplémentaire soit établie en regard des intérêts. En continuant à accumuler les intérêts et les frais d’administration et en minimisant la provision pour prêts de ces mêmes comptes, un ou plusieurs membres de l’ancien groupe de la haute direction de la CPS auraient modifié le bénéfice net de la CPS durant les périodes de 1999 à 2004. KPMG a observé que, dans le cas d’un groupe d’entreprises qui avait dépassé sa limite autorisée, la CPS a continué à accumuler les intérêts et les frais d’administration sur les marges de crédit pour un montant cumulatif de 1,7 million de dollars. Selon le paragraphe 3025.26 du manuel de l’ICCA, « Lorsqu’un prêt devient douteux, la constatation des intérêts créditeurs conformes aux dispositions du contrat de prêt original doit cesser ». Constatation des ristournes 1.117 La CPS déclarait des ristournes annuelles. Une ristourne : constitue une distribution aux membres d’une coopérative de crédit, en fonction du volume d’affaires réalisé avec chacun pour une période définie. Elle représente un ajustement des montants débités ou crédités aux membres à titre de clients de la coopérative de crédit, plutôt qu’un rendement au prorata de leur investissement à titre de détenteurs de parts sociales (coopérateurs). 1.118 Le traitement comptable recommandé pour les ristournes est le suivant : présenter la ristourne en fonction de sa substance, à titre d’ajustement des produits ou des charges. Par conséquent, la ristourne serait constatée dans l’état des résultats, par exemple à titre de réduction des intérêts créditeurs ou des frais prélevés ou d’augmentation des intérêts débiteurs 1.119 Dans le cas de la CPS, les ristournes n’ont pas été versées en espèces, mais accordées sous forme de parts de surplus spéciales. Les ristournes étaient déclarées chaque exercice et inscrites à titre de charge et de somme à payer. L’année suivante, la somme à payer était retirée et remplacée par une augmentation des parts de surplus spéciales de la CPS dans la section sur l’avoir des membres du bilan. Ces parts étaient émises au nom des membres de la CPS, qui recevaient aussi un document d’information fiscale leur indiquant la valeur des parts qui leur étaient créditées. Aucune distribution en espèces aux membres n’a jamais eu lieu, et les parts de surplus spéciales étaient non rachetables et ne conféraient pas le droit de vote ni de droits de dividende. Les parts spéciales ne pouvaient pas être vendues ni encaissées si la personne cessait d’être membre de la CPS. 1.120 Le manuel de l’ICCA définit les charges comme « les diminutions des ressources économiques, sous forme de sorties ou de diminutions d’actifs ou de constitutions de passifs, qui résultent des activités courantes menées par l’entité en vue de la génération de produits ou de la prestation de services ». Il définit les passifs comme « des obligations qui incombent à l’entité par suite d’opérations ou de faits passés, et dont le règlement pourra nécessiter le transfert ou l’utilisation d’actifs, la prestation de services ou toute autre cession d’avantages économiques ». À notre avis, durant la période que nous avons examinée, les ristournes n’avaient pas de substance, et la CPS n’aurait pas dû les inscrire à titre de charges ou de passif. 1.121 Les ristournes se sont élevées à environ 7 % des produits de 1997 à 2003, contre une moyenne de 5 % pour les autres caisses populaires. Dans deux de ces exercices, soit 1998 et 1999, les ristournes ont été de quelque 10 % des produits. La valeur totale des ristournes constatées allait de 1,0 million de dollars à près de 1,8 million de dollars. Rémunération des cadres Introduction 1.122 Nous sommes d’avis qu’un ou plusieurs membres de l’ancien groupe de la haute direction ont réussi à obtenir du conseil de la CPS qu’il adopte diverses dispositions de rémunération qui incitaient fortement la haute direction à déclarer de bons résultats financiers – jusqu’au point de délibérément sous-évaluer la provision pour pertes. Un ou plusieurs membres de la haute direction ont réussi à convaincre le conseil que la croissance que connaissait la CPS ainsi que les résultats annuels justifiaient un traitement élevé, une rémunération supplémentaire et des versements de dividendes très élevés. 1.123 Dans la présente section du rapport, nous examinons les prêts consentis aux employés de la CPS, le revenu déclaré sur les feuillets T4, les primes de long service et les parts de placement permanentes. Prêts aux employés 1.124 KPMG a examiné des prêts consentis à certains employés de la CPS, y compris les membres de l’ancien groupe de direction. Il n’a trouvé aucune transaction de valeur qui aurait été considérée comme inhabituelle ou préférentielle. Revenu déclaré sur les feuillets T4 1.125 Un rapport daté du 1er juin de 2004 de Marcil Lavallée souligne que l’ensemble du régime de rémunération de la CPS était onéreux et ne rejoignait pas ceux de ses concurrents. Le rapport relève également le fait que d’importantes primes étaient approuvées et versées chaque année à certains employés de la CPS, alors qu’il n’y avait pas d’évaluation annuelle ni de critères sur lesquels fonder les primes. 1.126 Les entrevues de KPMG avec d’anciens membres du comité de la rémunération ont révélé que l’ancien directeur général avait justifié le traitement des anciens membres de la haute direction par le fait que la CPS était très rentable et que l’actif sous gestion avait augmenté. Les membres du comité de la rémunération estimaient de plus que les augmentations salariales allaient servir de mesure incitative à la poursuite de la croissance. 1.127 Le tableau suivant montre le total de la rémunération déclarée sur les feuillets T4 des quatre anciens membres du groupe de la haute direction jusqu’au 31 décembre 2003. 1.128 Par ailleurs, les quatre anciens membres de la haute direction ont reçu un total combiné de 819 515 $ durant l’année civile 2004, l’année de leur congédiement. 1.129 De plus, en décembre 2003, un membre de l’ancien groupe de la haute direction a reçu la somme de 41 750 $ comme remboursement de frais de déplacement entre Shippagan et Bathurst pour une période de cinq ans terminée le 30 novembre 2003. Cette somme étant considérée comme un remboursement de frais de déplacement, elle n’a pas été déclarée dans le revenu imposable. Nous considérons que ce paiement est irrégulier. Pour justifier le paiement, on a indiqué que la personne avait parcouru exactement 21 000 km par année durant les cinq ans et avait engagé des coûts de 1 000 $ exactement en repas pour chaque année. De plus, la personne en question avait reçu durant la même période plus de 25 000 $ en remboursement de frais de déplacement demandé de façon conforme. Primes de long service 1.130 D’anciens membres du comité de la rémunération du conseil de la CPS ont dit à KPMG que, en 2000 ou en 2001, l’ancien directeur général de la CPS a instauré une nouvelle forme de rémunération à laquelle les employés ayant plus de 10 années de service seraient admissibles. Nous discutons du processus d’approbation de cette nouvelle rémunération dans la section sur la gouvernance du présent rapport. KPMG a constaté que la rémunération en 2003 d’un ancien membre du groupe de la haute direction comprenait un paiement versé en vertu de ce régime de primes de long service. Parts de placement permanentes 1.131 Comme il est mentionné dans la section sur la gouvernance du présent rapport, en janvier 1996, la CPS a instauré un nouveau type de parts de placement pour ses membres, qu’elle a appelé des « Parts Permanentes d’Investissement ». Ces parts de placement permanentes étaient offertes sur une base limitée aux membres de la CPS. Elles n’étaient pas négociables sur les marchés externes, et la CPS tenait une liste priorisée qui a servi à faciliter des opérations ultérieures. La notice d’offre du 29 janvier 1996 décrit les parts comme des parts sans droit de vote, sans participation et non convertibles ayant une valeur nominale de 1,00 $. En cas de liquidation de la CPS, le remboursement de ces parts était prioritaire par rapport aux autres catégories de parts de la CPS, et elles conféraient le droit d’accumuler des dividendes à un taux établi par le conseil. De plus, les parts étaient rachetables par la CPS pour un montant pouvant aller jusqu’à 10 % de la valeur des parts en circulation durant l’année à la valeur nominale plus la somme des arriérés de dividendes. Les parts pouvaient uniquement être vendues à d’autres membres de la CPS par l’intermédiaire de listes d’acheteurs et de vendeurs que tenait la CPS. 1.132 Sur les 5 000 000 parts émises le 4 juin 1996, plus de 733 000 appartenaient aux membres de l’ancien groupe de la haute direction et à leurs conjoints, et plus de 329 000 appartenaient aux membres du conseil d’administration. D’après ce que nous comprenons, la propriété des parts n’a pas beaucoup changé par la suite. 1.133 L’émission originale de parts contenait une disposition limitant la propriété individuelle de parts à 50 000 durant les quatre premières semaines de leur distribution, puis à 500 000 parts par membre. Un membre de l’ancien groupe de la haute direction de la CPS et sa conjointe détenait plus de 500 000 parts au 4 juin 1996. De plus, un autre membre de l’ancien groupe de la haute direction a acheté plus de 50 000 parts durant la période où la limite de 50 000 parts était en vigueur. 1.134 Selon la notice d’offre de ces parts privilégiées, un dividende annuel pouvait être versé uniquement si la CPS atteignait un niveau de revenu suffisant pour soutenir la distribution financière et maintenir le niveau de l’avoir des membres exigé par la Loi. 1.135 Le taux de dividende approuvé en 1996 était de 10 %, puis, de 1997 à 2003, il a été établi à 20 %. En comparaison, un dépôt à terme de cinq ans à la CPS offrait un rendement d’environ 4 % en 2003. Le nouveau conseil d’administration a déclaré un dividende de 5 % sur les parts de placement permanentes en 2004. 1.136 Les quatre membres de la haute direction et leur conjoint ont reçu des dividendes privilégiés d’une valeur de près de 1,2 million de dollars entre 1996 et 2003. Quiconque a détenu de telles parts durant huit ans de 1996 à 2003 aurait reçu des dividendes équivalant à 150 % de la valeur nominale des parts. 1.137 L’émission originale de ces parts comportait une disposition selon laquelle le dividende minimum à déclarer serait égal au taux d’intérêt le plus élevé des dépôts à terme à échéance d’un à cinq ans de la CPS à la date de déclaration du dividende. Pour la période allant du 31 mai 1996 au 31 mai 2003, ce taux d’intérêt a varié entre 4,58 % et 6,45 %. 1.138 À notre avis, l’émission des parts de placement permanentes était irrégulière. Alors que les modalités de l’offre semblaient peut- être attrayantes aux yeux des acheteurs potentiels, il nous semble que la CPS n’a pas pleinement divulgué aux acheteurs potentiels ses intentions quant à la déclaration de futurs dividendes. Notre avis se fonde sur la grande quantité de parts achetées par deux membres de l’ancien groupe de la haute direction et leur conjoint, ainsi que sur la déclaration ultérieure par le conseil d’un taux de dividende anormalement élevé de 20 % chaque année. Questions reliées à la gouvernance 1.139 Dans nos travaux précédents sur la gouvernance des sociétés de la Couronne du Nouveau-Brunswick, nous avions défini la gouvernance ainsi : le processus et la structure suivis pour orienter les activités et les affaires d’une société dans le but d’en réaliser la mission. Le processus et la structure définissent la répartition du pouvoir entre l’actionnaire, le conseil et la direction. De plus, ils établissent les mécanismes par lesquels est assurée la reddition de comptes entre la direction, le conseil d’administration et les actionnaires. 1.140 À notre avis, il n’existait pas à la CPS durant la période que nous avons examinée une structure de gouvernance opérationnelle en vertu de laquelle le conseil d’administration et la direction avaient chacun des pouvoirs précis donnant lieu à une séparation claire des fonctions et à la reddition de comptes envers d’autres intervenants. En tant que groupe, le conseil de la CPS s’appuyait trop sur la direction. D’anciens membres du conseil ont dit à KPMG que les membres du conseil n’avaient pas les compétences nécessaires pour s’acquitter de manière efficace de leurs fonctions de gouvernance. Conseil d’administration 1.141 Selon le paragraphe 83(1) de la Loi : La caisse populaire doit établir par règlements administratifs un nombre fixe d’administrateurs, lequel ne doit pas être inférieur à sept. 1.142 La Loi ajoute ceci : Les membres d’une caisse populaire doivent, à leur première assemblée et à chaque assemblée annuelle subséquente où l’élection des administrateurs est prévue, élire par résolution ordinaire les administrateurs dont la durée du mandat établie aux règlements administratifs ne peut dépasser trois ans. 1.143 Et : Sous réserve des règlements administratifs de la caisse populaire, un administrateur peut être réélu mais il ne peut en aucun cas servir à titre d’administrateur plus de neuf années consécutives. Mandats excessifs 1.144 La disposition de la Loi citée ci-dessus, qui limite le mandat total d’un administrateur à neuf ans, a été adoptée au début des années 1990. Donc, en 2003, cinq des administrateurs de la CPS, qui avaient siégé durant 9, 20, 21, 31 et 36 ans respectivement, avaient tous atteint ou dépassé la limite permise. Juste avant l’assemblée générale annuelle de 2003, ces cinq administrateurs ont tous démissionné du conseil. Ils ont été nommés de nouveau quelques jours plus tard à l’assemblée générale annuelle de 2003. 1.145 Dans une note de service interne du ministère de la Justice daté du 7 novembre 2003, le surintendant mentionne une lettre de plainte d’un membre et d’un ancien membre du conseil de la CPS dans laquelle ils allèguent que, à son l’assemblée générale annuelle de 2003, la CPS a élu au conseil des membres dont le nombre d’années de service excédait le nombre d’années maximum permis en vertu de la Loi. 1.146 Le 18 novembre 2003, le secrétaire du conseil de la CPS a écrit au surintendant pour indiquer que la CPS avait modifié ses règlements administratifs pour permettre à un administrateur d’être réélu sans qu’une limite soit imposée sur le nombre total d’années de service. 1.147 Le 22 décembre 2003, le surintendant a écrit à la CPS pour lui dire que la modification aux règlements administratifs n’était pas approuvée, car elle contredisait la Loi. 1.148 Le 8 janvier 2004, le CUSF/RMA a écrit au surintendant pour l’informer que, étant donné que cinq des sept administrateurs de la CPS n’étaient pas admissibles à siéger au conseil, il était d’avis que la CPS fonctionnait sans un conseil d’administration valablement élu et qu’il n’y avait donc aucun organisme en place pour assumer l’obligation fiduciaire de gouverner la CPS. Le CUSF/RMA ajoutait dans sa lettre que, à son avis, la CPS contrevenait à la Loi et que le CUSF/RMA avait adopté une résolution visant à placer la CPS sous surveillance. 1.149 Le 15 janvier 2004, lors d’une assemblée spéciale, cinq nouveaux administrateurs ont été élus. Il s’agit de l’événement central qui a fini par mener à la mise sous surveillance de la CPS. Irrégularités lors de l’élection des membres du conseil de 2003 1.150 Dans la plainte reçue par le surintendant au sujet de l’élection des membres du conseil en 2003, d’autres irrégularités électorales étaient alléguées, notamment l’influence indue de l’ancien directeur général de la CPS, l’utilisation non appropriée du vote par procuration et le dépouillement secret des bulletins de vote par des personnes qui n’étaient pas indépendantes. 1.151 KPMG a trouvé des éléments probants de l’envoi de courriels par l’ancien directeur général au personnel de la CPS pour faire part des candidats pour lesquels il allait voter à l’élection du conseil. Il nommait les cinq personnes pour lesquelles il allait voter; il s’agissait des cinq personnes qui avaient déjà atteint la limite de neuf ans de leur mandat. Il a aussi envoyé un courriel pour dire qu’il allait voter en faveur de la modification aux règlements administratifs visant à abolir la limite sur le nombre d’années durant lequel un membre du conseil pouvait siéger. KPMG a aussi trouvé dans son examen des dossiers de prêts commerciaux que certaines entreprises avaient signé une autorisation pour donner leur droit de vote au directeur général de la CPS. D’anciens membres du conseil ont dit à KPMG que le seul dépouillement des bulletins de vote qui avait lieu à l’issue d’une élection était fait par des employés de la CPS. Absence de documentation sur les réunions 1.152 KPMG a appris que la direction fixait l’ordre du jour des réunions du conseil et qu’un ou plusieurs membres de l’ancien groupe de la haute direction de la CPS distribuaient puis ramassaient l’ordre du jour et le procès-verbal des réunions précédentes et toute autre information présentée au conseil ou à son comité de crédit. La raison invoquée pour l’exercice d’un tel contrôle sur les procès- verbaux était de prévenir la perte d’information stratégique de la CPS. Les procès-verbaux des réunions du conseil que KPMG a réussi à obtenir manquaient de détails. De plus, les procès-verbaux ne contenaient pas de renseignements sur les personnes présentes ni le nom des personnes qui proposaient des motions, qui appuyaient les motions ou qui votaient sur les motions. Les procès-verbaux ne contenaient pas d’information sur les discussions qui avaient eu lieu, et rien n’indiquait que les procès-verbaux précédents avaient été examinés et approuvés. En conséquence, KPMG n’a pas été en mesure de trouver des éléments probants à l’appui des actions du conseil ni des approbations accordées par le conseil. 1.153 La tenue de dossiers déficiente concernant les affaires du conseil contrevenait à la Loi, qui prévoit ce qui suit : La caisse populaire doit préparer et tenir à son bureau enregistré ou, sous réserve du paragraphe (2), en tout autre lieu au Nouveau-Brunswick désigné par les administrateurs, des livres comportant a) les copies des statuts et des règlements administratifs et toutes leurs modifications, b) les procès-verbaux dûment signés des assemblées et des résolutions des membres, c) un registre des administrateurs, des dirigeants et des membres de comité indiquant les noms, adresses résidentielles et principales occupations, le cas échéant, de toutes les personnes qui sont ou ont été administrateurs, dirigeants ou membres de comité de la caisse populaire, ainsi que les différentes dates auxquelles ils sont devenus administrateurs, dirigeants ou membres de comité ou ont cessé de l’être, d) un registre des membres indiquant les noms et les dernières adresses connues de ses membres et le nombre et le prix d’émission des parts sociales d’adhésion détenues par chaque membre, et e) les livres comptables et les procès-verbaux dûment signés des réunions et des résolutions des administrateurs et des comités nommés par les administrateurs. 1.154 Et : Une copie de toute résolution visée au paragraphe (1) doit être conservée avec les procès-verbaux des délibérations des administrateurs ou d’un comité nommé par les administrateurs. Correspondance du conseil 1.155 Les entrevues de KPMG avec d’anciens membres du conseil ont révélé que la correspondance envoyée par le CUSF/RMA ou le surintendant et adressée au conseil ou à un membre du conseil était acheminée au bureau central de la CPS, où la lettre était ouverte par la haute direction, qui rédigeait une réponse avant que la lettre soit discutée au conseil. Les lettres du CUSF/RMA n’étaient pas toujours remises au président ou au conseil. 1.156 Un membre du conseil s’inquiétait du fait que le courrier qui lui était adressé ne lui était pas toujours remis. Cette personne a fini par rencontrer le CUSF/RMA et lui a demandé d’envoyer toute correspondance à son adresse personnelle. 1.157 Un ancien président a déclaré à KPMG que, lorsqu’il avait mentionné qu’il lui semblait inhabituel qu’aucune correspondance du CUSF/RMA ne soit jamais adressée au président du conseil, l’ancien directeur général lui avait répondu que rien n’était jamais adressé au président. Or, KPMG a déterminé que, en fait, plusieurs lettres avaient été adressées au président. Comité de la rémunération 1.158 À l’instar des procès-verbaux du conseil, KPMG a appris que les procès-verbaux des réunions du comité de la rémunération étaient conservés par un ou plusieurs membres de l’ancien groupe de la haute direction de la CPS, de sorte que différents membres du conseil ont fait remarquer qu’ils ne connaissaient pas la rémunération des membres de l’ancien groupe de la haute direction. KPMG n’a pas pu trouver de politiques ni de procédures du conseil concernant la rémunération. On a dit à KPMG que, en l’absence de politiques et de procédures, le conseil s’appuyait beaucoup sur les recommandations de l’ancien groupe de la haute direction. 1.159 Un ancien membre du conseil a décrit une situation en particulier à KPMG. En 2000 ou en 2001, l’ancien directeur général de la CPS a instauré un nouvel arrangement relatif à une rémunération pour long service. Cet arrangement visait à accorder une rémunération supplémentaire aux employés comptant plus de 10 années de service. Aucune estimation du coût de la mesure n’a été présentée au conseil. Cet ancien membre du conseil a dit que, vu que la haute direction était visée par le régime proposé, il avait demandé qu’une étude officielle du régime soit faite. Ce membre du conseil allègue que le régime a été immédiatement soumis au vote et approuvé. En conséquence, aucune autre étude de la proposition n’a eu lieu. KPMG n’a pas pu trouver de procès-verbal qui consigne l’approbation du régime, bien qu’il ait découvert au moins un versement qui a été fait par la suite en vertu du régime. Mise en place des parts de placement permanentes 1.160 En janvier 1996, la CPS a mis en place un nouveau type de parts de placement qu’elle a appelées « Les Parts Permanentes d’Investissement », soit des parts de placement permanentes. D’anciens membres du conseil ont dit à KPMG que les membres du conseil ne comprenaient pas très bien et avaient très peu discuté cette émission de parts avant son approbation. Un membre du conseil a indiqué que le prospectus initial et les notes afférentes aux états financiers avaient déjà été rédigés lorsque l’idée a d’abord été présentée au conseil. On a dit à KPMG que ces parts avaient été émises pour accroître le niveau de l’avoir de la CPS. Le CUSF/RMA et le bureau du surintendant ont approuvé l’émission de ces nouvelles parts en 1996. KPMG a aussi déterminé que le registre des parts de placement n’était pas tenu correctement. Activités de crédit 1.161 À la lumière de son examen de certains prêts, KPMG a déterminé que l’analyse financière par la CPS des données sous- jacentes sur les clients n’était pas complète et qu’elle n’avait pas déterminé l’ampleur du risque financier auquel la CPS était exposée. Alors que ses propres politiques de crédit l’exigeaient, rien ne semble montrer que l’ancien conseil d’administration : • procédait à un examen annuel de sa politique de prêt; • s’assurait que la CPS avait un programme interne d’examen de la qualité de ses activités de crédit; • faisait un examen approfondi des résultats des inspections périodiques du CUSF/RMA ou des vérifications externes; • examinait le contenu et la solvabilité du portefeuille de prêts, les tendances du portefeuille ou les provisions établies pour les créances douteuses, à part se fier à un survol superficiel fourni par l’ancien groupe de la haute direction de la CPS. 1.162 De plus, au cours des entrevues menées avec les anciens vérificateurs externes, KPMG a appris que jamais le conseil ni son comité de vérification n’ont rencontré les anciens vérificateurs externes sans que la direction soit présente. Par ailleurs, le conseil n’a posé aucune question aux anciens vérificateurs externes. 1.163 À notre avis, tandis que dans certains cas des membres individuels du conseil d’administration ont tenté d’exécuter leur obligation fiduciaire correctement, le conseil dans son ensemble n’a pas exercé le contrôle nécessaire qu’il aurait dû exercer sur la direction, et ce jusqu’à ce que cinq membres du conseil soient remplacés en 2004. Essentiellement, le conseil agissait comme un prolongement de la direction, et il semblerait que, dans certains cas, il y avait suffisamment de membres du conseil disposés à agir ainsi pour qu’un ou plusieurs membres de la haute direction puissent exploiter la CPS avec très peu de surveillance. 1.164 Après la réception par le surintendant en 2003 d’une plainte au sujet du dépassement de la durée des mandats par des membres du conseil et d’irrégularités électorales, un nouveau conseil d’administration a dû être élu. Au bout du compte, ce sont les actions du nouveau conseil, et de la nouvelle présidente du conseil, Jacqueline Hébert, qui ont mis un terme aux pratiques de gestion qui causaient des préjudices financiers à la CPS. Les vérificateurs et leur vérification des états financiers Contexte 1.165 Durant la période que nous avons examinée, quatre vérificateurs différents ont exprimé une opinion sur les états financiers de clôture d’exercice de la CPS. Ces vérificateurs étaient : • Grant Thornton (qui a fonctionné sous le nom de Doane Raymond durant une partie de la période) pour les exercices terminés du 31 mai 1997 au 31 mai 2001; • Bourque Haché Duguay pour l’exercice terminé le 31 mai 2002; • Duguay Gagnon pour l’exercice terminé le 31 mai 2003; • PricewaterhouseCoopers pour l’exercice terminé le 31 mai 2005. 1.166 Les vérificateurs n’ont consigné aucune réserve dans leurs rapports du vérificateur pour les exercices en question. 1.167 Des états financiers vérifiés n’ont pas été publiés pour l’exercice terminé le 31 mai 2004. Les résultats de 2004 sont disponibles uniquement sous la forme de chiffres comparatifs présentés dans les états financiers au 31 mai 2005. 1.168 Grant Thornton a démissionné à titre de vérificateur externe de la CPS après la clôture de l’exercice du 31 mai 2001, démission qui a été suivie de la nomination du cabinet Bourque Haché Duguay. Duguay Gagnon a succédé à Bourque Haché Duguay à titre de vérificateur externe, et René Duguay était l’associé de vérification dans les deux cabinets comptables responsables des vérifications de fin d’exercice au 31 mai 2002 et 2003. Le surintendant des caisses populaires a disqualifié Duguay Gagnon comme vérificateur après la clôture de l’exercice au 31 mai 2003. 1.169 Le code de déontologie de l’Institut des comptables agréés du Nouveau-Brunswick exige que, lorsqu’un comptable agréé membre remplace un autre membre à titre de vérificateur externe, ce membre communique avec l’ancien vérificateur pour lui demander s’il y a des faits dont il devrait tenir compte avant de décider d’accepter la mission. KPMG a discuté de cette exigence avec chacun des cabinets de vérificateurs mentionnés et appris qu’une telle communication a eu lieu à chaque changement de vérificateur. Au cours de l’entrevue de KPMG avec l’associé de vérification pour 2002 et 2003, l’associé a indiqué qu’il était au courant de la raison pour laquelle Grant Thornton avait démissionné comme vérificateur. Nous en discutons plus longuement dans la présente section. 1.170 Nous offrons dans la présente section de l’information au sujet des vérifications de la CPS effectuées par Grant Thornton, Bourque Haché Duguay et Duguay Gagnon. Nous n’avons pas examiné les vérifications effectuées par PricewaterhouseCoopers. Grant Thornton 1.171 Dans la section du présent rapport qui traite de la provision pour pertes déclarée par la CPS, nous donnons notre propre estimation de la provision pour la période durant laquelle Grant Thornton a été le vérificateur externe de la CPS. Dans la section en question, nous concluons que la provision pour pertes a été sous- évaluée pour les exercices terminés au 31 mai 1996 jusqu’au 31 mai 2001, bien que la sous-évaluation ait dépassé le seuil d’importance relative de 1 million de dollars utilisé par Grant Thornton pour seulement un exercice. Nous avons aussi estimé que la valeur déclarée de l’actif et de l’avoir des membres de la CPS aurait été très loin de la valeur réelle pour certains de ces exercices. 1.172 Cependant, l’analyse montre aussi que le bénéfice net au cours de ces exercices n’aurait probablement pas été touché, puisque la direction aurait pu entièrement compenser l’incidence en modifiant le montant des ristournes enregistrées. 1.173 À notre avis, si Grant Thornton avait adopté une attitude plus sceptique devant les explications de la direction de la CPS et exigé la constatation d’une provision générale en plus des provisions spécifiques inscrites par la direction, le vérificateur aurait conclu à la nécessité d’apporter des redressements au montant de la provision. 1.174 Précédemment dans le rapport, nous relevons trois autres questions de comptabilité déterminées par KPMG, soit la présentation au net des soldes de compte, la constatation des intérêts créditeurs sur les prêts douteux et la constatation des ristournes. Il semble qu’au moins une de ces questions sinon toutes étaient présentes durant les exercices pour lesquels Grant Thornton a fait la vérification de la CPS. 1.175 Voici certains des facteurs à l’appui de la conclusion de Grant Thornton selon laquelle les états financiers ne contenaient pas d’inexactitudes importantes : • KPMG a examiné les documents de travail de Grant Thornton, qui contenaient des preuves de l’application de techniques de vérification informatisées aux dossiers du portefeuille de prêts et à d’autres éléments. Les documents de travail montrent également que Grant Thornton avait demandé la confirmation du solde de nombreux comptes. De plus, pour les questions complexes, Grant Thornton a conféré avec son groupe des méthodes professionnelles et justifié ses décisions comptables par écrit. • Nous avons vu des preuves montrant que Grant Thornton avait effectivement évalué si certains prêts commerciaux étaient recouvrables, y compris une discussion sur des prêts spécifiques avec la direction de la CPS et la consignation par écrit d’informations au sujet des perspectives d’avenir des entreprises visées. • Les rapports d’inspection du CUSF/RMA publiés le 6 mai 1997, le 16 décembre 1998 et le 15 mai 2000 avalisaient toutes les provisions inscrites par la direction. • Dans le cadre de sa planification de la vérification de l’exercice terminé le 31 mai 2001, Grant Thornton a rédigé une note de service de planification à l’intention du comité de vérification de la CPS. Dans la note, Grant Thornton soulève les modifications proposées au traitement comptable des biens repris et l’établissement d’une réserve générale pour le portefeuille de prêts de la CPS. Cette note a été vue par un ou plusieurs membres de l’ancien groupe de la haute direction de la CPS avant qu’elle soit acheminée au comité de vérification. KPMG a appris qu’un membre de l’ancien groupe de la haute direction de la CPS s’était opposé à ce que la note soit présentée au comité de vérification. Grant Thornton a fini par remettre la note au comité de vérification, bien que la direction de la CPS ait été présente à la réunion. • Le CUSF/RMA n’a jamais réglé la question de la nécessité d’inscrire une provision générale. Il a soulevé ce point dans son rapport d’inspection du 16 décembre 1998 adressé à la CPS, mais en laissant à la CPS le soin de décider de la nécessité et du montant d’une telle provision. De plus, dans une lettre adressée à Grant Thornton en date du 14 mai 2001, le CUSF/RMA précise qu’il n’a pas encore examiné la question d’une provision générale et que, en fait, certains rapports d’inspection du CUSF indiquaient à la caisse populaire que la nécessité et le montant de toute provision générale étaient laissés pour l’instant à la discrétion de la caisse populaire. • Comme il est mentionné précédemment, le bénéfice net au cours de ces exercices n’aurait probablement pas été touché, puisque la direction aurait pu entièrement compenser l’incidence en modifiant le montant des ristournes enregistrées. 1.176 En dernière analyse, nous sommes d’avis que, même si Grant Thornton avait réussi à obtenir que l’ancien groupe de la direction de la CPS augmente la provision pour pertes ou exigé des redressements pour les autres questions de comptabilité que nous avons cernées, l’incidence n’aurait pas été suffisante pour déclencher la prise de mesures par les organismes de réglementation ni modifier la façon dont la direction a finalement procédé. 1.177 Grant Thornton a démissionné en tant que vérificateur externe après la vérification de l’exercice terminé le 31 mai 2001. KPMG a interviewé Grant Thornton, qui l’a informé de deux motifs à l’origine de sa démission. La première était le conflit croissant avec un ou plusieurs membres de l’ancien groupe de la haute direction de la CPS au sujet de l’adoption de modifications émergentes aux règles comptables, de modifications proposées et de l’acceptation d’écritures de journal proposées. De plus, Grant Thornton estimait qu’un ou plusieurs membres de l’ancien groupe de la haute direction de la CPS traitaient son personnel de manière agressive. 1.178 Il semble aussi que Grant Thornton avait commencé à se préoccuper de la méthode de constatation des provisions adoptée par l’ancien groupe de direction de la CPS. Bourque Haché Duguay et Duguay Gagnon Nomination de vérificateurs 1.179 Pour l’exercice terminé le 31 mai 2002, la CPS a nommé Bourque Haché Duguay comme vérificateurs. Le cabinet ne figurait pas sur la liste de vérificateurs approuvés tenus par le CUSF/RMA, ce qui a fait l’objet d’une discussion entre la CPS et le CUSF/RMA le 30 octobre 2001. La CPS a affirmé dans une lettre datée du 31 octobre 2001 qu’elle avait reçu l’approbation verbale du surintendant des caisses populaires d’utiliser les services de Bourque Haché Duguay. 1.180 Dans une lettre datée du 11 mars 2002, le CUSF/RMA avise la CPS que, suivant la réunion régulière du conseil d’administration du CUSF/RMA, la demande de changement de vérificateur n’était pas approuvée. Toutefois, la CPS s’est dit en désaccord avec la décision et a retenu les services de Bourque Haché Duguay comme vérificateurs externes pour effectuer la vérification du 31 mai 2002. 1.181 Pour l’exercice terminé le 31 mai 2003, la CPS a nommé Duguay Gagnon comme vérificateur. Ce cabinet non plus ne figurait pas sur la liste de vérificateurs approuvés du CUSF/RMA. 1.182 Les préoccupations du CUSF/RMA relativement à la nomination des cabinets Bourque Haché Duguay et Duguay Gagnon à titre de vérificateurs étaient les suivantes : • Selon le CUSF/RMA, les cabinets n’avaient pas suffisamment d’expérience en tant que vérificateurs externes d’un important établissement financier et, étant donné la complexité de la vérification d’un établissement financier de la taille de la CPS, c’était un problème. • Les cabinets ne figuraient pas sur la liste de vérificateurs approuvés tenus par le CUSF/RMA. • L’associé de vérification pour 2002 et 2003 et sa conjointe possédaient des parts de placement permanentes de la CPS. Selon le CUSF/RMA, l’associé de vérification de 2002 et de 2003 n’était pas indépendant du fait de cette participation. • L’associé de vérification pour 2002 et 2003 avait aussi été un employé de la CPS. 1.183 L’associé de vérification pour 2002 et 2003 a activement tenté de faire approuver Bourque Haché Duguay par le CUSF/RMA. Dans une lettre datée du 12 juin 2002, il a demandé au surintendant de délivrer un ordre visant à exempter Bourque Haché Duguay d’être disqualifié de la liste de vérificateurs approuvés. Dans la lettre, l’associé de vérification pour 2002 et 2003 informait aussi le surintendant du fait qu’il possédait des parts de placement permanentes de la CPS, mais ajoutait qu’il considérait cette participation comme peu importante et donc qu’il ne contrevenait pas à la Loi. 1.184 Même si le CUSF/RMA avait adopté une position ferme le 11 mars 2002 – à temps pour qu’un nouveau vérificateur soit nommé pour la vérification au 31 mai 2002 –, le surintendant des caisses populaires a seulement rendu sa décision sur la nomination des vérificateurs le 11 février 2004, soit près de deux ans plus tard. À cette date, le surintendant a envoyé une lettre au CUSF/RMA, dans laquelle il disait ce qui suit : Je suis d’avis que l’indépendance de [l’associé de vérification pour 2002 et 2003] – en tant que propriétaire bénéficiaire des parts – est mise en doute, que celui-ci n’est pas indépendant de la caisse et, par conséquent, qu’il est inhabile à être nommé vérificateur de la Caisse de façon permanente. 1.185 Le surintendant a aussi délivré un ordre pour exempter l’associé de vérification pour 2002 et 2003 et le cabinet Bourque Haché Duguay de l’inhabilité de procéder à la vérification des exercices 2001-2002 et 2002-2003 de la CPS, mais il n’a pas accordé une exemption pour les exercices ultérieurs. Nous abordons cette décision plus longuement dans la section du présent rapport sur les questions relatives à la réglementation. Questions de vérification relatives à la provision pour pertes 1.186 Dans notre analyse de la provision pour pertes déclarée par la CPS pour la période durant laquelle Bourque Haché Duguay et Duguay Gagnon ont agi à titre de vérificateurs externes, nous avons conclu que la provision pour pertes avait été sous-évaluée de manière significative pour les exercices terminés le 31 mai 2002 et le 31 mai 2003. Nous avons aussi estimé que la valeur de l’actif et de l’avoir des membres de la CPS pour ces exercices aurait comporté des inexactitudes importantes. Contrairement aux exercices antérieurs, l’incidence sur le bénéfice net de la CPS de la constatation d’une provision plus élevée n’aurait pas pu être compensée entièrement ou même en grande partie par une réduction du montant des ristournes déclarées. 1.187 Dans la section du présent rapport sur la provision pour pertes, nous établissons également que, pour la vérification du 31 mai 2003, Duguay Gagnon aurait dû avoir accès au rapport d’inspection du 10 janvier 2003, lequel non seulement remettait en question le montant de la provision, mais aussi décrivait certains risques importants auxquels faisait face la CPS, ce qui aurait indiqué que la vérification de la CPS comportait un risque très élevé. Lorsque KPMG a examiné la planification de la vérification de l’exercice du 31 mai 2003 de la CPS, vérification qui s’est achevée le 7 juillet 2003, il n’a rien trouvé dans les documents de travail de Duguay Gagnon pour montrer que cela avait été pris en considération dans la planification de la vérification. 1.188 À notre avis, pour les exercices terminés les 31 mai 2002 et 2003, il aurait dû être clair que la provision pour pertes déclarée par la CPS était grandement sous-évaluée, et les vérificateurs auraient dû consigner une restriction. Nous sommes aussi d’avis que l’ampleur de l’inexactitude aurait été suffisante pour que les organismes de réglementation soient probablement forcés d’agir. 1.189 KPMG a examiné les documents de travail de Bourque Haché Duguay et de Duguay Gagnon. Dans son examen du travail réalisé sur la provision, il a remarqué que certains prêts en souffrance n’étaient pas pris en compte. Par exemple, un prêt dont le solde s’élevait à plus de 60 000 $ et était en retard de 1 539 jours n’avait pas été pris en compte. Le dossier des documents de travail de la vérification montre que le prêt avait fait l’objet d’un examen, mais aucune raison n’était consignée pour expliquer son exclusion de la provision pour pertes. De plus, les documents de travail relatifs à des prêts spécifiques ne comportent aucune indication selon laquelle les prêts ont fait l’objet d’une discussion avec la direction, contrairement aux éléments probants trouvés dans les documents de travail de Grant Thornton. 1.190 Dans sa fonction de membre du comité d’arbitrage de trois membres mis sur pied par la Cour du Banc de la Reine pour examiner le montant de la provision inscrite par la CPS au 31 octobre 2002, l’associé de vérification pour 2002 et 2003 a recommandé d’augmenter la provision. À la lumière de l’examen que le comité a fait de certains prêts spécifiques, l’associé de vérification pour 2002 et 2003 a recommandé une augmentation équivalant à 80 % du montant recommandé par le CUSF/RMA. Cela implique que l’associé de vérification a pu examiner la provision inscrite pour octobre et en venir à la conclusion que la CPS avait sous-évalué la provision inscrite d’au moins 2,9 millions de dollars. Cependant, dans ses opinions du vérificateur de 2002 et de 2003, il a accepté sans redressement la provision établie par la direction. Autres questions 1.191 Malgré toutes les circonstances qui suggéraient une vérification présentant un risque élevé et les constatations du CUSF/ RMA selon lesquelles la méthode pour déterminer la provision et les montants de la provision à certains moments précis dans le temps étaient grandement insuffisants, les vérificateurs ont appliqué à la vérification des exercices de 2002 et de 2003 un seuil d’importance relative deux fois plus élevé que celui appliqué par Grant Thornton en 2001, ce qui aurait pu donner lieu à des contrôles par sondages moins nombreux. 1.192 Plus tôt dans le rapport, nous relevons d’autres questions de comptabilité relatives à la CPS. Dans son examen des documents de travail de Duguay Gagnon, KPMG n’a trouvé aucun élément probant pour montrer que les vérificateurs avaient correctement évalué ces questions, qui étaient la présentation au net des soldes de compte, la constatation des intérêts créditeurs sur les prêts douteux et la constatation des ristournes. Questions relatives à la réglementation 1.193 Avec le recul, on peut voir qu’il y a eu de nombreuses occasions où, si une intervention rigoureuse des organismes de réglementation avait eu lieu, les pertes qui ont finalement été enregistrées à la CPS auraient pu être évitées ou, à tout le moins, minimisées. Cependant, pour que cette intervention se produise, il aurait fallu que le surintendant fasse preuve d’un degré de détermination qu’il n’a pas manifesté lorsqu’il est devenu clair au- delà de tout doute raisonnable que la prise de mesures s’imposait. 1.194 La capacité d’un organisme de réglementation de prendre des mesures significatives est assujettie aux pouvoirs qui lui sont conférés par voie législative. Or, sous cet angle, la capacité d’agir du CUSF/RMA est limitée. Le CUSF/RMA pouvait délivrer des ordres ou des directives, mais la CPS avait le pouvoir d’interjeter appel de ces ordres et directives au surintendant, puis à la cour. Le CUSF/ RMA pouvait adopter une résolution pour placer une caisse populaire sous surveillance, mais seul le surintendant pouvait faire appliquer la résolution, ce qui plaçait le CUSF/RMA dans la position frustrante d’essayer d’obtenir que des mesures soient prises, mais devant attendre que le surintendant décide ou non de prendre des mesures. Par ailleurs, il est possible que le surintendant eût eu à faire face à des obstacles juridiques s’il avait tenté de prendre des mesures. 1.195 À notre avis, si le gouvernement adopte des règlements qui doivent être respectés et établit des organismes pour voir au respect de ces règlements, alors il devrait aussi donner à ces organismes de réglementation le moyen et l’obligation d’agir rapidement. 1.196 Le premier point de décision évident remonte à près de 30 ans. Depuis sa fondation en 1937 jusqu’en 1981, la CPS a été membre de la Fédération des caisses populaires acadiennes (FCPA). Toutefois, après une série de désaccords entre la FCPA et la direction de la CPS, la CPS est passée à la CUCNB. Dans une note de service interne du gouvernement du Nouveau-Brunswick datée du 9 décembre 1980 et adressée au ministre responsable des caisses populaires, on peut lire que : [Traduction.] l’affiliation avec la Credit Union Central of New Brunswick est la seule possibilité pour l’instant. Dans les récentes discussions tenues avec les représentants de la Fédération acadienne, il a été mentionné que la situation était telle qu’il n’était pas impossible qu’il soit demandé à la Caisse populaire de Shippagan de quitter la Fédération acadienne; si cela s’était produit, en vertu de la présente Loi sur les caisses populaires, l’établissement aurait de la difficulté à poursuivre ses activités en tant caisse populaire, car elle n’aurait été affiliée à aucune fédération. 1.197 Avec le recul, on peut dire que les problèmes particuliers qui sont survenus plus tard à la CPS auraient pu être évités si le gouvernement de l’époque avait décidé que la direction de la CPS devait se conformer aux directives de la Fédération acadienne et que sinon, la direction allait être remplacée. Quoi qu’il en soit, il était déjà évident dans les années 1980 que la direction de la CPS avait des problèmes avec la surveillance réglementaire. 1.198 Dans la période que nous avons examinée, le point d’intervention possible suivant aurait été le différend au sujet de la nécessité de respecter l’article 5a) du règlement. Le CUSF/RMA a soulevé la question dans son rapport d’inspection du 6 mai 1997, mais la question n’a pas été résolue. Nous aurions pensé que le défaut de respecter les limites imposées par la loi sur les prêts hypothécaires aurait été perçu comme un sérieux écart de conduite. Cependant, le problème a continué à s’aggraver. Cette aggravation aurait dû suffire pour que le CUSF/RMA recommande que la CPS soit placée sous surveillance ou que le surintendant intervienne et place la CPS sous surveillance. Par exemple, la menace par la CPS de saisir la cour du différend, malgré le fait que les conseillers juridiques du CUSF/RMA jugeaient que la position de la CPS était faible, aurait pu être un élément déclencheur, tout comme la résolution du conseil de la CPS datée du 23 juin 2000 voulant que la caisse se retire du CUCNB. 1.199 Bien que le CUSF/RMA ait réalisé des inspections détaillées tout au long de cette période, il semble les mesures prises n’aient pas été aussi vigoureuses que ce que les résultats d’inspection laissaient entendre. En particulier, le rapport d’inspection publié le 16 décembre 1998 aurait dû donner lieu à l’exigence d’apporter des améliorations promptement et à la menace de conséquences graves si ces améliorations n’étaient pas apportées. De même, le rapport d’inspection publié le 26 octobre 2001 aurait dû donner lieu à la prise de mesures plus rigoureuses. C’est seulement avec le rapport d’inspection du 10 janvier 2003 que le CUSF/RMA en est venu à demander des améliorations. En fait, le CUSF/RMA a alors qualifié la situation de grave. Ce n’est que le 2 juin 2004 que le surintendant a finalement conféré des pouvoirs de surveillance au CUSF/RMA. 1.200 Un autre point d’intervention possible aurait été la démission de Grant Thornton comme vérificateur suivant la clôture de l’exercice du 31 mai 2001. Puisque le CUSF/RMA a fait parvenir un exemplaire du rapport d’inspection du 26 octobre 2001 à Grant Thornton, il semble que l’organisme n’ait pas été immédiatement mis au courant de la démission. La démission d’un vérificateur est une affaire très grave, et le CUSF/RMA n’aurait pas dû avoir à demander la permission à la CPS pour parler de cette démission aux vérificateurs; il aurait dû avoir le pouvoir de le faire en vertu de la loi le régissant. L’attitude agressive de la CPS à l’égard du personnel de Grant Thornton aurait dû suffire pour entraîner à tout le moins une forme de surveillance provisoire, jusqu’à ce que le CUSF/RMA prenne connaissance des circonstances entourant la démission. 1.201 De même, la nomination d’un vérificateur qui ne figurait pas sur la liste des vérificateurs approuvés du CUSF/RMA aurait dû suffire pour mettre immédiatement en poste un vérificateur approuvé ou pour mettre la CPS sous surveillance. Les explications voulant que des approbations verbales aient été données n’auraient pas dû être prises en compte. Il semble que le CUSF/RMA l’ait reconnu et qu’il ait tenté de corriger la situation. En mars 2002, le CUSF/RMA a informé la CPS qu’elle devait mettre en poste un vérificateur approuvé. Malheureusement, le CUSF/RMA ne pouvait pas imposer cette mesure de son propre chef; il lui fallait le soutien du surintendant. Le surintendant a pris sa décision en février 2004 seulement, soit près de deux ans plus tard. 1.202 Nous sommes d’avis que, dans sa décision de février 2004, le surintendant avait tout à fait raison de souligner que c’était la nature des parts de placement permanentes plutôt que le pourcentage peu élevé de ces parts que possédait le vérificateur qui remettait en question l’indépendance du vérificateur. Nous sommes également d’accord avec la décision suivante du surintendant : Je suis d’avis que l’indépendance de [l’associé de vérification pour 2002 et 2003] – en tant que propriétaire bénéficiaire des parts – est mise en doute, que celui-ci n’est pas indépendant de la caisse et, par conséquent, qu’il est inhabile à être nommé vérificateur de la Caisse de façon permanente. Bien que ma conclusion repose sur la situation au moment de la nomination par la caisse et de la nomination de [l’associé de vérification pour 2002 et 2003], je dois aussi considérer les changements qui ont été apportés et qui seront apportés au cours des prochains mois au Code de déontologie de la profession comptable. Les membres de la profession comptable et le public exigent aujourd’hui et exigeront dans le futur un niveau de responsabilisation et d’indépendance beaucoup plus élevé des conseils et des vérificateurs. 1.203 Malheureusement, cette décision a été prise trop tard pour réduire l’ampleur des pertes qui auront finalement lieu – soit deux ans après que le CUSF/RMA a pris une position ferme sur la question. 1.204 Le reste de la décision du surintendant est décevante : [L’associé de vérification pour 2002 et 2003] a été nommé vérificateur pour la Caisse à son assemblée générale annuelle pour l’exercice 2001-2002 et l’exercice 2002- 2003. L’exercice de la caisse se termine le 31 mai. Je ne peux que supposer que la nomination de [l’associé de vérification pour 2002 et 2003] à titre de vérificateur a été faite de bonne foi par les membres de la caisse populaire qui ignoraient que le nom de [l’associé de vérification pour 2002 et 2003] ne figurait pas sur la liste des vérificateurs approuvés de l’office de stabilisation. Par conséquent, je suis disposée à donner un ordre exemptant [l’associé de vérification pour 2002 et 2003] et le cabinet Bourque Haché Duguay de l’inhabilité aux fins des vérifications de la Caisse effectuées pour les exercices 2001-2002 et 2002-2003, soit pour la période allant de l’assemblée générale annuelle de 2001 jusqu’à l’assemblée générale annuelle de 2003. Je ne suis pas disposée, pour les motifs évoqués ci-dessus, à accorder une exemption à des fins futures, car je ne suis pas convaincue qu’une exemption ne causerait pas un préjudice indu aux membres de la Caisse. 1.205 À notre avis, la décision finale est confuse. Si le surintendant allait présumer que les membres de la CPS avaient agi de bonne foi en nommant l’associé de vérification pour 2002 et 2003 à titre de vérificateur, le surintendant aurait aussi dû présumer que ni la direction, ni le conseil de la CPS avaient informé les membres que ni l’associé de vérification pour 2002 et 2003 ni son cabinet ne figuraient sur la liste des vérificateurs approuvés, que le CUSF/RMA les avait expressément jugés inadmissibles à la réalisation de la vérification, ou que l’associé de vérification pour 2002 et 2003 était en conflit du fait qu’il possédait une quantité de parts de placement permanentes de la CPS qui lui rapportait un revenu important. Une vérification est censée fournir à ces mêmes membres un examen indépendant des résultats financiers et de la situation de l’entreprise. Le surintendant a reconnu que ces membres pouvaient subir un préjudice indu si l’associé de vérification pour 2002 et 2003 demeurait en poste comme vérificateur dans l’avenir. La décision aurait dû être de reconnaître qu’il existait un risque pour les membres de la CPS pour les exercices au 31 mai 2002 et au 31 mai 2003 justement parce qu’ils avaient agi de bonne foi en nommant l’associé de vérification pour 2002 et 2003. Le surintendant aurait dû ordonner une mise sous surveillance immédiate afin de démêler ce qui s’était passé durant ces deux années. Placer la CPS sous surveillance rendu à ce point n’aurait pas vraiment permis d’éviter les pertes qui auront finalement lieu, puisque la CPS a été mise sous surveillance quatre mois plus tard. 1.206 Le fait est que le surintendant a pris la bonne décision quant il a disqualifié l’associé de vérification pour 2002 et 2003, mais il aurait dû prendre cette décision plus tôt. Le CUSF/RMA a essayé de pousser le surintendant à agir plus rapidement. En particulier, le 27 juin 2002, le CUSF/RMA a écrit au surintendant pour lui demander de prendre une décision au sujet de l’appel par la CPS de la disqualification des vérificateurs par le CUSF/RMA. D’autres lettres sur la question ont été envoyées le 13 mai 2003 et le 30 mai 2003. Enfin, le 30 janvier 2004, le CUSF/RMA a écrit au surintendant pour réclamer une décision sur la question du vérificateur. Durant cette période, le surintendant n’est pas resté oisif; par exemple, une demande a été présentée le 31 juillet 2002 à l’Institut des comptables agréés du Nouveau-Brunswick pour obtenir de l’information au sujet des règles du code de déontologie des comptables agréés qui s’appliquent à l’évaluation de l’indépendance d’un vérificateur. 1.207 Durant cette période, il était courant pour le surintendant de prendre un temps excessif avant de rendre une décision. Le 21 mars 2003, le CUSF/RMA a informé le surintendant qu’il avait adopté une motion visant à placer la CPS sous surveillance immédiatement. Il a fallu 10 mois au surintendant pour rejeter la demande. De plus, le CUSF/RMA avait délivré 10 ordres à la CPS le 16 janvier 2003, et il a fallu au surintendant 11 mois pour rendre une décision sur ces ordres. 1.208 KPMG a tout de même relevé une situation où le surintendant avait agi dans des délais appropriés, comme il est discuté dans la section sur la gouvernance du présent rapport. Il s’agissait d’une plainte datée du 3 octobre 2003 au sujet d’irrégularités à l’assemblée générale annuelle de la CPS et, le 22 décembre, le surintendant avait jugé que les modifications apportées par la CPS à ses règlements administratifs n’étaient pas conformes à la loi. 1.209 D’après ce que nous comprenons, en 2002 et en 2003, comme le surintendant assumait le rôle à temps partiel, le ministère de la Justice avait ordonné que d’autres dossiers non reliés à la CPS aient préséance. Voilà qui souligne le fait que la capacité du surintendant d’agir ne dépend pas uniquement de la personne qui occupe le poste, mais aussi du sous-ministre et du ministre desquels relève le surintendant. 1.210 Un autre point d’intervention possible aurait été la déclaration d’une importante perte par la CPS pour l’exercice terminé le 31 mai 2002, comme notre analyse dans la section sur les provisions pour pertes montre que cela aurait dû être le cas, ou si le vérificateur externe avait consigné une restriction dans son opinion du vérificateur pour l’exercice en question. Malheureusement, aucun de ces deux événements n’a eu lieu en raison des faiblesses de la vérification externe. 1.211 Malgré tout ce qui s’est passé à la CPS, la caisse a fini par être placée sous surveillance seulement à la demande du nouveau conseil de la CPS. Les membres de ce nouveau conseil d’administration qui ont voté pour prendre des mesures sont ceux qui ont eu le courage de reconnaître que la situation n’était pas correcte à la CPS et qu’elle devait changer. Le 31 mai 2004, Jacqueline Hébert, présidente du conseil de la CPS, a écrit au CUSF/RMA pour demander que la caisse soit placée sous surveillance. Nous croyons comprendre que Mme Hébert avait été informée des constatations du rapport de Marcil Lavallée et avait abordé le CUSF/RMA pour exprimer ses préoccupations au sujet des constatations contenues dans le rapport. Ce rapport a fait l’objet d’une discussion à une réunion tenue le 1e juin 2004 entre le conseil de la CPS et le CUSF/ RMA. 1.212 Il nous semble que le surintendant a tenté d’adopter une approche impartiale dans sa décision d’approuver ou non la mise sous surveillance de la CPS, ce qui donné lieu à une période prolongée avant que la décision soit rendue. À notre avis, le rôle du surintendant n’était pas, ou ne devrait pas être, celui d’un arbitre impartial. Le surintendant aurait dû prendre parti pour la protection des membres de la CPS et la protection de la garantie par la province des sommes déposées à la CPS. Une telle approche aurait fait que le surintendant aurait acquiescé à la demande de mise sous surveillance du CUSF/RMA, puis démêlé les détails par la suite. Une partie du problème a été que le surintendant n’avait pas de procédure ni de précédent à suivre pour déterminer la conduite appropriée à adopter. 1.213 La mesure de protection du système qui a fini pour donner des résultats est la durée limite du mandat des membres du conseil, dont le dépassement a été porté à l’attention du surintendant non pas au moyen des inspections ni autre mesure réglementaire, mais à la suite d’une plainte écrite d’un membre de la CPS concernant les élections au conseil de 2003. Cette plainte a mené à la décision du surintendant du 22 décembre 2003 d’ordonner que des mesures immédiates soient prises pour corriger le fait que cinq membres du conseil avaient dépassé la limite permise de neuf années consécutives. 1.214 Au bout du compte, le gouvernement provincial a versé à la CPS environ 31 millions de dollars et a consenti à l’Office de stabilisation de la Fédération des caisses populaires acadiennes limitée un prêt sans intérêt de près de 10 millions de dollars au moment du retour de la CPS à la FCPA. Les modalités de ce prêt sans intérêt font que le prêt équivaut à une subvention d’environ 6 millions de dollars. Le coût direct total des fonds de stabilisation pour les contribuables du Nouveau-Brunswick jusqu’à présent à la suite de l’intervention de la province auprès de la CPS est donc de quelque 37 millions de dollars. Lors de son entrevue avec les représentants de le CUSF/RMA, KPMG s’est dit d’avis que les pertes auraient pu être d’environ 20 millions de dollars de moins qu’elles ont finalement été si la demande de mise sous surveillance avait été accordée à la suite du rapport d’inspection de 2002. Nous sommes d’accord pour dire que cette estimation est raisonnable. 1.215 Nous sommes aussi d’avis que des mesures plus rigoureuses auraient dû être recommandées à la suite de rapports d’inspection antérieurs, ce qui aurait pu réduire ou même éviter les pertes qui ont finalement eu lieu – si on présume que le surintendant avait donné suite aux recommandations. KPMG a observé que la qualité des documents conservés par le CUSF/RMA s’était améliorée entre 1997 et 2002 et que, en 2000, il était évident que l’organisme était très sensibilisé à l’attitude de la CPS en ce qui concerne le non-respect de la loi et des règlements. Par ailleurs, le CUSF/RMA a réorienté le processus d’inspection pour l’axer sur la gestion des risques de l’entreprise, et la portée des inspections s’est accrue entre 1997 et 2002. Que ce soit dans les décisions du surintendant, les décisions de la cour ou les rapports indépendants tels que ceux produits par Marcil Lavallée, il semble la plupart des constatations du CUSF/ RMA ont fini par être validées. 1.216 Au bout du compte, le gouvernement a échoué dans sa réglementation de la CPS. Il a échoué dès 1981 avec la décision de permettre à la CPS de passer à la Credit Union Central; il a échoué quand il n’a pas su interpréter correctement les symptômes de problèmes graves que la CPS a connus à la fin des années 1990 et au début des années 2000; et il a échoué quand il a omis de prendre des mesures appropriées même lorsque l’organisme responsable des inspections s’est rendu compte de la gravité de la situation. Recommandations 1.217 Le ministre des Finances a demandé notre opinion sur la manière de mieux éviter ce genre d’exposition à l’avenir. En 2008, le ministère de la Justice a apporté des modifications à la Loi sur les caisses populaires; de plus, dans de récents rapports du vérificateur général, nous avons formulé des recommandations au sujet des activités de la Société d’assurance-dépôts des caisses populaires du Nouveau-Brunswick et du bureau du surintendant. Les changements apportés ont mené à des améliorations qui contribueront à éviter que les événements qui ont eu lieu à la CPS se reproduisent. 1.218 Nous avons six recommandations. Il se peut que certaines d’entre elles soient déjà en œuvre à la suite de récentes modifications apportées aux mesures législatives ou aux organismes de réglementation, mais le ministère de la Justice et de la Consommation devrait revoir les points soulevés pour s’assurer que le régime actuel est suffisamment robuste pour détecter ou prévenir des événements tels que ceux qui ont eu lieu à la CPS. 1.219 Nous recommandons que le ministère de la Justice et de la Consommation s’assure que les exigences des articles 242 et 242.1 de la Loi sur les caisses populaires sont suffisantes pour veiller à ce qu’une caisse populaire ne puisse être transférée d’une fédération et d’un office de stabilisation établi auprès de cette fédération à l’autre fédération et à l’autre office de stabilisation établi auprès de cette dernière que si les circonstances sous- jacentes justifient un tel transfert. 1.220 Nous recommandons que le ministère de la Justice et de la Consommation s’assure que la Loi sur les caisses populaires confère au même organisme le pouvoir d’inspecter une caisse populaire et le pouvoir de placer une caisse populaire sous surveillance. 1.221 Nous recommandons que le ministère de la Justice et de la Consommation s’assure que l’article 246(3) de la Loi sur les caisses populaires est suffisant pour faire en sorte qu’une caisse populaire placée sous surveillance le soit effectivement pendant le processus d’appel. 1.222 Nous recommandons que le ministère de la Justice et de la Consommation s’assure que la Loi sur les caisses populaires confère au surintendant des caisses populaires des pouvoirs suffisants pour qu’il puisse faire en sorte que seuls les vérificateurs ayant les compétences, l’expérience et l’indépendance nécessaires soient nommés vérificateurs des caisses populaires. 1.223 Nous recommandons que le surintendant des caisses populaires soit indépendant du ministère de la Justice et doté des ressources nécessaires pour surveiller de façon adéquate le système des caisses populaires. 1.224 Nous recommandons que le Conseil exécutif s’assure que les mandats de tous les membres des organes directeurs des sociétés, conseils et commissions de la Couronne de la province soient d’une durée limitée. Dans le cas où des membres d’organes directeurs sont en poste depuis longtemps, un plan de transition devrait être préparé pour leur remplacement. La durée de la période de transition devrait être inversement proportionnelle à la durée du service du membre au conseil.