4.1 Les états financiers de la Corporation de portefeuille Énergie Nouveau-Brunswick (Énergie NB) sont complexes. À l’instar d’autres organismes qui suivent les normes comptables établies par le Conseil des normes comptables de l’Institut Canadien des Comptables Agréés (ICCA), la complexité des états financiers s’est accrue à partir de l’exercice terminé le 31 mars 2008 avec l’adoption de l’élément Autres éléments du résultat étendu. La complexité des états financiers s’est aussi accrue en raison de la constatation par Énergie NB des reports réglementaires. Pour que les députés de l’Assemblée législative puissent tenir adéquatement Énergie NB redevable de ses résultats, il est important qu’ils comprennent l’information contenue dans les états financiers de la société et qu’ils posent des questions sur tout aspect qui manque de clarté ou qui porte à confusion. 4.2 Dans la présente analyse, nous examinons en particulier les éléments suivants des états financiers d’Énergie NB : • les instruments financiers; • les reports réglementaires; • la transition vers les Normes internationales d’information financière (les IFRS). Instruments financiers 4.3 La note 4 n) afférente aux états financiers d’Énergie NB pour l’exercice terminé le 31 mars 2008 décrit la convention comptable suivie par la société pour les instruments financiers. La note 26 décrit les instruments financiers détenus par Énergie NB, et la note 5 décrit l’incidence sur les états financiers de l’adoption par Énergie NB de la nouvelle convention comptable pour les instruments financiers. Il s’ensuit que la valeur de certains éléments du bilan a changé. Une partie de ce changement a eu une incidence sur le bénéfice net, tandis qu’une autre a été comptabilisée dans les autres éléments du résultat étendu. Ailleurs dans le présent rapport, nous offrons une brève explication de ce que sont les autres éléments du résultat étendu. 4.4 Bien qu’Énergie NB donne beaucoup d’information sur ses instruments financiers, il n’est pas facile de tout mettre ensemble pour obtenir un portrait clair de la situation. Ainsi, dans la note 5, il n’est pas évident que le chiffre de 8 millions de dollars inscrit pour le 1er avril 2007 est un total et qu’on y parvient en additionnant les quatre chiffres qui précèdent – ce qui fait que la somme de 53 millions de dollars au titre des passifs dérivés doit être traitée comme un chiffre négatif. 4.5 Dans la même note, l’information au sujet de l’incidence au 31 mars 2008 est elle aussi difficile à comprendre. 4.6 Voici comment une partie de l’information est présentée à la note 5 (millions $): 4.7 Il n’est pas facile de comprendre les chiffres qui précèdent. Une présentation comme celle qui suit aurait été plus claire : 4.8 Bien qu’une telle présentation demeure compliquée, il est plus facile de voir quels chiffres sont additionnés, lesquels sont considérés comme des négatifs et si le changement a touché le bénéfice net ou les autres éléments du résultat étendu. 4.9 La note 26 afférente aux états financiers d’Énergie NB, qui fournit des détails au sujet des instruments financiers de la société, porte aussi à confusion. La note débute par un tableau qui peut être relié au bilan grâce à la colonne « Total », mais il n’est pas facile de relier les chiffres contenus dans le corps du tableau à l’information présentée dans le reste de la note. Ainsi, le tableau montre que la juste valeur des dérivés au titre du mazout lourd est de 21 millions de dollars, tandis que le détail indique que la juste valeur de l’actif pour 2008 s’est élevée à 51 millions de dollars. Par ailleurs, il est difficile de dire si les changements dans la juste valeur de chacun des instruments financiers énumérés dans la note 26 sont comptabilisés dans le bénéfice net ou dans les autres éléments du résultat étendu. 4.10 Comme d’autres organismes qui présentent de l’information sur leurs instruments financiers, Énergie NB essaie d’établir un niveau d’information qui est approprié et utile pour les lecteurs de ses états financiers. À notre avis, il y a encore des possibilités d’amélioration. Reports réglementaires Historique de la comptabilité réglementaire à Énergie NB 4.11 Auparavant, Énergie NB comptabilisait les actifs et les passifs réglementaires. Cette méthode de comptabilisation a donné lieu à de la confusion pour les lecteurs des états financiers d’Énergie NB et à d’importants redressements comptables. Les états financiers du 31 mars 2008 de la Corporation de portefeuille Énergie Nouveau-Brunswick laissent entendre que les actifs et les passifs réglementaires deviendront des éléments importants du bilan de la société à l’avenir. 4.12 La note 3 afférente aux états financiers intitulée « Réglementation » précise ce qui suit : Des actifs ou passifs réglementaires pourraient découler du processus d’établissement des tarifs. Les actifs réglementaires représentent les produits futurs attribuables à certains coûts, engagés au cours de la période visée ou des périodes antérieures et que l’on prévoit recouvrer des clients au cours des périodes ultérieures grâce au processus d’établissement des tarifs. Les passifs réglementaires représentent les futures baisses ou restrictions d’augmentation des produits imputables aux montants que l’on prévoit rembourser aux clients. 4.13 En 1995, Énergie NB a reconnu les problèmes causés par la constatation de certains éléments réglementaires au bilan, et l’entreprise a commencé à les éliminer. La partie intitulée « Discussion et analyse de gestion » du rapport annuel de l’entreprise pour l’exercice terminé le 31 mars 1995 explique l’incidence des modifications aux conventions comptables : … on a éliminé les comptes de normalisation de la production et de stabilisation des ventes à l’exportation, qui avaient initialement été mis en place pour réduire l’effet des fluctuations au niveau des exportations et de la production hydraulique [sic] et nucléaire. 4.14 Le rapport annuel ajoute ceci : Ces pratiques comptables n’étaient pas claires pour les lecteurs des états financiers de la Société. De plus, il ne s’agit pas de pratiques communément utilisées de nos jours par les entreprises d’électricité, et elles ne seraient pas acceptables pour une entreprise non réglementée. 4.15 À notre avis, la comptabilité réglementaire est toujours source de confusion pour les lecteurs des états financiers généraux d’un organisme. Et il demeure vrai que les méthodes comptables qui donnent lieu à l’inscription d’actifs ou de passifs réglementaires ne seraient pas acceptables dans le cas des entreprises non réglementées. Il est courant aujourd’hui pour les entreprises de service public qui satisfont à la définition comptable d’entreprise réglementée de constater des actifs et des passifs réglementaires. Cependant, pour que la comptabilité réglementaire reflète correctement la substance des opérations d’un organisme, le processus réglementaire doit être crédible. Dans son Rapport au ministre de l’Énergie concernant la décision de la Corporation de distribution et service à la clientèle Énergie NB d’augmenter ses tarifs de 3 % à partir du 1er avril 2008 daté du 26 juin 2008, la Commission de l’énergie et des services publics a déclaré ceci : La structure réglementaire actuelle ne correspond pas aux exploitations actuelles du groupe d’entreprises Énergie NB. Il en résulte des obstacles importants à une fixation efficace et crédible des taux d’électricité. 4.16 Nous nous demandons sérieusement si la structure réglementaire mise en place par le gouvernement autour du groupe d’entreprises Énergie NB est suffisamment robuste pour soutenir la constatation d’actifs et de passifs réglementaires. Si elle ne l’est pas, nous croyons qu’il est possible que la constatation d’actifs et de passifs réglementaires puisse donner lieu à d’importants redressements comptables futurs, comme cela a été le cas dans le passé. 4.17 En vertu du cadre réglementaire gouvernemental précédent, la comptabilisation par Énergie NB d’actifs et de passifs réglementaires entraînait un lissage ou un « nivellement » du bénéfice net, entrecoupé de redressements comptables tels que celui effectué en 1995 pour retirer des reports de plus de 200 millions de dollars. Comme l’indiquait Grant Thornton dans son examen du 30 septembre 1999 de la situation financière de la province, cette méthode comptable a aussi contribué à l’établissement du montant de la réduction de la valeur des installations nucléaires en 1999. Par exemple, Grant Thornton déclarait ceci dans son rapport : Par le passé, Énergie NB préparait ses états financiers selon les principes comptables applicables à une entité à tarifs réglementés. Ces principes permettaient de capitaliser de nombreux coûts qui ne l’auraient pas été selon les principes comptables généralement reconnus dans le secteur privé non réglementé. La direction d’Énergie NB a identifié précisément 152 millions de dollars de ces coûts et a indiqué qu’il y en a d’autres qui n’ont pas été identifiés de façon précise. Les immobilisations d’Énergie NB comprennent donc des montants considérables qui, selon l’application actuelle des principes comptables, ont été passés en charges. 4.18 Grant Thornton avait conclu que : Vu l’inclusion, dans la valeur comptable des immobilisations d’Énergie NB, d’importants montants qui auraient été passés en charges, selon les méthodes comptables actuelles, […] nous recommandons que le gouvernement du Nouveau-Brunswick accepte la réduction de 450 millions de dollars pour 1998. 4.19 Il y a lieu de noter que, en 1998, notre bureau avait formulé une opinion avec réserve sur les états financiers de la province parce que nous n’étions pas d’accord avec la manière dont les 450 millions de dollars en question avaient été comptabilisés. Reports réglementaires au 31 mars 2008 4.20 L’incidence de la comptabilisation des reports réglementaires sur les états financiers du 31 mars 2008 d’Énergie NB est décrite à la note 17 afférente aux états financiers, où l’on voit que cette méthode comptable a donné lieu à une diminution du bénéfice de 73 millions de dollars pour l’exercice. Cela signifie probablement que, si Énergie NB suivait les conventions comptables appliquées par les entreprises non réglementées, le bénéfice net pour l’exercice aurait été passablement différent. La note 17 laisserait entendre aux lecteurs que, sans la comptabilité réglementaire, le bénéfice net de la société aurait atteint 162 millions de dollars plutôt que 89 millions de dollars. Malheureusement, comme la note 17 ne comptabilise pas toutes les conséquences de la comptabilité réglementaire, il n’est pas possible de dire d’après les états financiers quelle est l’incidence de la comptabilité réglementaire sur le bénéfice net. 4.21 Les états financiers fournissent plusieurs détails sur la comptabilité réglementaire : 1. Selon une observation entre parenthèses à la note 7, les produits divers comprennent une somme ponctuelle de 29 millions de dollars « qui avaient précédemment été radiés ». Selon la décision de la Commission de l’énergie et des entreprises de service public du 22 février 2008, Énergie NB voulait constater des recettes de 47 millions de dollars, mais la commission a décidé que le montant allait être de 29 millions de dollars. Cette somme représente une petite partie du règlement conclu avec l’entreprise vénézuélienne PDVSA. 2. Énergie NB a maintenant un passif reporté réglementaire de 75 millions de dollars relié aussi au règlement conclu avec PDVSA. La note 3 ne fournit pas une explication très utile : « les avantages prévus du règlement, lesquels seront réalisés sur la durée de vie restante de la centrale de Coleson Cove évaluée à 23 ans, seront accumulés dans ce compte de report. Les avantages prévus accumulés seront crédités aux clients en versements étalés sur 17 ans ». 3. La note 3 précise que « Comme cette provision comprend non seulement une composante intérêts mais aussi une composante liée au coût des capitaux propres, elle excède le montant qui peut être inscrit à l’actif dans des circonstances semblables lorsque les tarifs ne sont pas réglementés ». La note n’indique pas à combien s’élève cet excédent. 4. La note 3 ajoute que « Distribution Énergie NB a également un actif réglementaire relié à la remise à neuf de la centrale de Point Lepreau. Ce compte de report réglementaire a été créé par suite de l’adoption de la législation liée à la remise à neuf de la centrale de Point Lepreau. Ce compte de report sert à inscrire les coûts non incorporables habituels (déduction faite de tout produit) et le coût d’achat de l’énergie de remplacement qui sont facturés à Distribution Énergie NB par Énergie nucléaire NB et Production Énergie NB, respectivement, durant la période de remise à neuf. Les montants seront recouvrés auprès des clients par Distribution Énergie NB sur la durée de vie utile de la centrale de Point Lepreau remise à neuf, et seront reflétés dans les frais, tarifs et droits que demande Distribution Énergie NB aux clients ». La note 17 précise que l’incidence de ce report sur le bénéfice est de 2 millions de dollars. 4.22 Cette liste d’explications nous laisse croire à la validité des préoccupations au sujet de la confusion que suscite la comptabilité réglementaire chez les lecteurs des états financiers. Report des coûts de l’arrêt de la centrale de Point Lepreau 4.23 Le quatrième point de la liste qui précède vaut la peine d’être approfondi; en effet, il s’ensuit que certains éléments, tels que l’achat de combustible, qu’une entreprise non réglementée inscrirait comme charges, sont capitalisés et engagés au cours d’une longue période – la durée de vie utile de la nouvelle centrale. Le report de 2 millions de dollars relié à l’arrêt de Point Lepreau est important, car l’arrêt a débuté dans la soirée du 28 mars 2008, de sorte que 2 millions de dollars représentent le coût de trois jours d’arrêt environ. Cela nous indique que les coûts reportés qui seront inscrits sur une année complète seront considérables. 4.24 Le report des coûts reliés à l’arrêt de Point Lepreau est prévu à l’article 143.1 de la Loi sur l’électricité. La méthode comptable est imposée à Énergie NB et à l’organisme de réglementation – la Commission de l’énergie et des services publics – par le gouvernement, au lieu d’être choisie dans le cadre du processus normal et indépendant d’établissement des tarifs. 4.25 À la lumière de l’information contenue dans les états financiers du 31 mars 2008 d’Énergie NB, nous sommes en mesure d’estimer que, sans la comptabilité réglementaire, la société aurait enregistré un excédent passablement plus important en 2008 et ferait face à des déficits considérables pour les exercices se terminant le 31 mars 2009 et le 31 mars 2010. Il faudra ensuite que la société obtienne de modestes excédents annuels dans les exercices futurs pour compenser les importants déficits. 4.26 Il faut comprendre également que les résultats de tout exercice d’Énergie NB se reflètent dans l’excédent ou le déficit de l’exercice du gouvernement provincial. Les résultats de la province pour l’exercice terminé le 31 mars 2008 comprennent le bénéfice net de 89 millions de dollars d’Énergie NB. Donc, si Énergie NB connaissait d’importantes pertes futures, cela aurait aussi une incidence sur les résultats de la province. Cependant, il s’agit simplement d’un regroupement des résultats de tous les organismes sous le contrôle du gouvernement provincial; rien ne montre que les contribuables subventionnent les abonnés d’Énergie NB pour les exercices durant lesquels la société enregistre des pertes ou que les abonnés d’Énergie NB subventionnent les contriuables pour les exercices durant lesquels la société enregistre des profits. Le degré de subventionnement entre les deux groupes est déterminé par le processus d’établissement des tarifs, et non par la comptabilité du gouvernement provincial. Normes internationales d’information financière 4.27 La note 5 c) afférente aux états financiers d’Énergie NB intitulée « Normes internationales d’information financière » se lit comme suit : Le 13 février 2008, le Conseil des normes comptables du Canada a confirmé que l’utilisation des normes internationales d’information financière sera exigée à compter du 1er janvier 2011, de même que la présentation d’informations comparatives concernant l’exercice précédent. Par conséquent, le groupe Énergie NB adoptera les nouvelles normes pour son exercice débutant le 1er avril 2011. Bien que le cadre conceptuel des normes internationales d’information financière soit similaire à celui des principes comptables généralement reconnus du Canada, certaines méthodes comptables présentent des différences assez importantes pour nécessiter une attention particulière. Le Groupe évalue actuellement l’incidence de l’adoption de ces nouvelles normes sur ses états financiers cumulés. 4.28 L’adoption des Normes internationales d’information financière (les IFRS) par Énergie NB pourrait avoir une incidence considérable sur la comptabilité d’Énergie NB. Bien que la note renvoie à « l’adoption des ces nouvelles normes », il s’agit en fait de l’adoption d’un tout nouvel ensemble de normes comptables, dont certaines sont similaires aux normes comptables canadiennes actuelles et d’autres, différentes. 4.29 Énergie NB a satisfait aux exigences comptables techniques concernant la communication de l’information sur l’incidence de l’adoption des normes comptables IFRS, mais la note 5 c) ne donne aux lecteurs des états financiers d’Énergie NB aucune idée de l’importance de l’incidence qu’aura la transition aux IFRS sur les états financiers d’Énergie NB. Il n’est pas nécessaire de fournir une évaluation quantitative de cette incidence; une discussion pourrait être présentée sur les domaines qui sont importants et qui devront être considérés soigneusement en vertu des IFRS, tels que la comptabilisation des actifs et des passifs réglementaires.