Introduction 1.1 Le 7 décembre 1999, j’ai déposé le volume 1 du Rapport du vérificateur général de 1999. J’ai alors expliqué que, en raison du retard avec lequel le gouvernement a clôturé les comptes de l’exercice terminé le 31 mars 1999, nous n’avons pu formuler nos observations habituelles sur les résultats financiers de la province ni préparer notre chapitre sur les indicateurs financiers. Les états financiers sont maintenant mis au point, et nos observations sont présentées dans ce chapitre. Pour la deuxième année, nous avons préparé un chapitre sur les indicateurs financiers pour examiner la situation financière de la province sur le plan de la viabilité, de la souplesse et de la vulnérabilité. Les résultats de notre travail se trouvent au chapitre 2. 1.2 Nous avons également terminé un travail d’envergure au ministère de la Santé et des Services communautaires, où nous avons examiné la fonction d’inspection des établissements de services alimentaires. Nous avons conclu que les systèmes et méthodes en vigueur sont insuffisants pour assurer la conformité des établissements de services alimentaires aux règlements de la Loi sur la santé. Nos constatations et nos recommandations sur le sujet se trouvent au chapitre 5. Signification d’une opinion avec réserve 1.3 L’année dernière, nous n’étions pas d’accord avec la façon dont le gouvernement provincial avait comptabilisé ses placements dans la Société d’énergie du Nouveau-Brunswick ni le paiement de transition de 364 millions de dollars reçu du gouvernement du Canada en rapport avec la mise en œuvre de la taxe de vente harmonisée. À notre avis, il s’agissait de désaccords importants, et nous avons donc formulé une opinion avec réserve sur les états financiers de la province pour l’exercice terminé le 31 mars 1998. En d’autres termes, nous estimions que les états financiers ne présentaient pas fidèlement les résultats financiers de l’exercice en question. De fait, nous étions d’avis que le gouvernement provincial avait enregistré un déficit de 267,3 millions de dollars. Il a déclaré avoir obtenu un excédent de 61,7 millions de dollars. 1.4 Après la parution des états financiers, il est arrivé que la gravité de cette réserve soit minimisée par des commentaires attribuant la réserve à un « désaccord entre comptables ». Je ne sais pas dans quelle mesure ce point de vue est répandu, mais je n’ai d’autre choix que d’y répondre. Ce qui m’inquiète, c’est que le rôle de mon bureau, ou même le rôle de tous les vérificateurs où qu’ils se trouvent, pourrait être gravement compromis si une réserve peut être réduite à un simple « désaccord entre comptables ». 1.5 Pour pleinement saisir l’importance d’une réserve, il faut d’abord savoir qu’il y a deux parties distinctes en cause. Dans ce cas-ci, la première est le gouvernement, qui prépare les états financiers, et la deuxième est le Bureau du vérificateur général, qui vérifie ces états. Tel qu’il est établi dans la Loi sur le vérificateur général, le Bureau du vérificateur général est indépendant du gouvernement. 1.6 Toute vérification comporte le risque que l’auteur des états financiers manifeste un certain biais dans ce qu’il souhaite montrer dans ces états. Par exemple, une entreprise voudrait bien afficher une croissance stable de ses bénéfices. Une organisation charitable peut vouloir montrer que la plupart des dons reçus ont servi à des activités charitables véritables. Un gouvernement peut vouloir signaler un excédent. Et il arrive que les règles comptables soient poussées à l’extrême pour atteindre de tels objectifs. Le vérificateur cherche uniquement à voir si les résultats financiers sont bien ce qu’ils devraient être. Il n’y a aucun biais. 1.7 Pour aider les auteurs des états financiers et les vérificateurs à accomplir leur travail, il existe des principes généralement reconnus qui fournissent des lignes directrices sur la comptabilisation et le rapport des opérations. Au Canada, les principes adoptés par l’Institut Canadien des Comptables Agréés et le Conseil sur la comptabilité dans le secteur public sont la norme. Dans la vaste majorité des cas, le vérificateur est d’accord avec le traitement comptable de l’auteur. Des situations peuvent toutefois se produire où une opération n’a pas été traitée à la satisfaction du vérificateur mais où il n’y a pas matière à désaccord, parce que le traitement résulte d’un « jugement professionnel » raisonnable. En d’autres termes, on pourrait soutenir qu’un traitement est essentiellement tout aussi acceptable qu’un autre. Enfin, rarement, le vérificateur doit conclure que l’auteur a tort et que les états doivent être modifiés, sans quoi son opinion sera assortie d’une réserve. 1.8 Même dans ces rares situations, il faut savoir que la conclusion définitive n’est tirée qu’une fois que la position de l’auteur des documents est bien comprise. Pour y parvenir, des points de vues sont échangés, les principes comptables de référence sont discutés et d’autres ressources peuvent parfois être consultées. Un temps considérable est passé à tenter de trouver une conclusion mutuellement satisfaisante, mais, lorsque l’auteur et le vérificateur n’y parviennent pas, ce dernier doit assortir son opinion d’une réserve. Le vérificateur énoncera une réserve seulement s’il estime que la prépondérance des éléments probants appuie sa position. 1.9 Que cela signifie-t-il, au bout du compte? Cela signifie qu’une opinion avec réserve envoie un message, et ce message est que, selon le vérificateur, les états financiers, tels que préparés, sont biaisés en vue d’atteindre l’objectif de l’auteur des états. On peut soutenir que c’est là tout ce que le lecteur des états financiers et du rapport des états financiers a besoin de comprendre. Les raisons pour lesquelles l’auteur des états et le vérificateur ne s’entendent pas sont parfois difficiles à comprendre. Mais, même en l’absence d’une telle compréhension, le seul fait que le vérificateur, qui est indépendant, ne soit pas d’accord avec l’auteur des états, qui est biaisé, devrait clairement signifier que les états financiers ne sont pas crédibles. Comprendre une opinion avec réserve sous un tel angle est beaucoup plus révélateur qu’un simple « désaccord entre comptables ». Engagement d’un « vérificateur indépendant » 1.10 En juin dernier, on annonçait que le gouvernement avait l’intention de retenir les services d’un vérificateur indépendant pour examiner les livres du gouvernement. Ce renvoi à un vérificateur indépendant nous préoccupait, car, en vertu de la Loi sur le vérificateur général, le vérificateur général est le vérificateur indépendant de la province. Nous avons fait part de notre préoccupation au gouvernement, et nous avons eu le plaisir de noter que les renvois subséquents à la mission du vérificateur indépendant étaient faits dans le contexte d’un « examen financier de la province du Nouveau- Brunswick ». Il demeure toutefois assez courant d’entendre ou de lire des choses à propos de l’engagement dans le contexte d’une vérification indépendante. On m’a demandé à plusieurs reprises d’expliquer le rôle de mon bureau à la lumière de l’engagement du nouveau vérificateur indépendant. J’ai pensé qu’il serait utile d’expliquer les différences entre le rôle de mon bureau et celui d’un cabinet de vérificateurs dont le gouvernement pourrait retenir les services. 1.11 La première différence est le lien de responsabilité ou de rapport. En vertu de la Loi sur le vérificateur général, le vérificateur général est un fonctionnaire de l’Assemblée législative. Cela signifie que je dois rendre des comptes à l’Assemblée législative, à qui je communique mes constatations, mes opinions et mes recommandations. Un cabinet engagé par le gouvernement en poste pour réaliser une étude ou un examen rend uniquement des comptes à ce gouvernement. 1.12 Une deuxième différence a trait à la portée de notre travail. Un cabinet engagé par le gouvernement peut seulement faire ce qui lui est demandé. Dans le cas du cabinet Grant Thornton, il avait comme mission d’examiner 12 points, dont 6 avaient trait à des questions comptables. Dans une telle perspective, on peut dire que le travail du cabinet est limité. D’autres limites ont pu être imposées sur la durée de la mission et les honoraires. Il est concevable, de plus, que le gouvernement impose d’autres contraintes dans ce genre de mission de consultation. Il s’agit de différences importantes par rapport au contexte dans lequel moi-même et les membres de mon bureau fonctionnons. Grâce aux avantages et à la protection de la Loi sur le vérificateur général, il n’y a aucune limite à ce que nous pouvons examiner et à qui nous pouvons parler. Il n’y a aucune disposition qui permettrait à quiconque de limiter le travail que nous faisons ou d’agir sur le temps que nous consacrons aux projets et à la formulation de nos opinions ou de nos recommandations. Notre opinion de 1999 est sans réserve 1.13 Il y a un an, comme nous l’expliquons ci-dessus, nous n’étions pas d’accord avec la façon dont le gouvernement provincial avait comptabilisé ses placements dans la Société d’énergie du Nouveau- Brunswick ni le paiement de transition de 364 millions de dollars reçu du gouvernement du Canada en rapport avec la mise en œuvre de la taxe de vente harmonisée. L’ampleur de ces désaccords était telle que nous avons émis une opinion avec réserve. 1.14 Nous avons aussi réalisé l’année dernière un travail important visant à documenter les principales améliorations apportées aux états financiers de la province au cours des dix exercices précédents. En effet, l’un des indicateurs du rendement de notre propre bureau est de mesurer chaque année le degré auquel le gouvernement provincial accepte et met en œuvre les recommandations en matière de comptabilité et de communication de l’information formulées par le CCSP. Nous avions constaté que la province avait fait des progrès importants en dix ans, mais qu’il demeurait trois principaux domaines de non-conformité : • l’omission des corporations hospitalières dans l’entité comptable de la province; • la comptabilité des prêts assortis de conditions avantageuses; • la comptabilité et la présentation des immobilisations corporelles détenues par la province. 1.15 Cette année, nous sommes extrêmement satisfaits de voir que le gouvernement provincial a apporté les redressements nécessaires en rapport avec ses placements dans la Société d’énergie du Nouveau- Brunswick et sa comptabilité du paiement de transition pour la taxe de vente, ce qui nous permet d’exprimer une opinion sans réserve sur les états financiers de la province. De plus, pour la première fois, le gouvernement provincial a inclus les corporations hospitalières dans l’entité comptable de la province et a correctement comptabilisé les prêts assortis de conditions avantageuses. Les états financiers de la province sont donc maintenant en majeure partie présentés selon les recommandations du CCSP, à l’exception de la comptabilisation et de la communication des immobilisations corporelles. Nous sommes d’avis qu’il s’agit d’une étape marquante, car, à mesure que nous avançons, les lecteurs des états financiers de la province pourront tirer des conclusions et prendre des décisions en sachant que tous les éléments de passif sont comptabilisés et que tous les organismes et sociétés de la Couronne importants sont compris. Changements dans la dette nette 1.16 La dette nette d’un gouvernement et les changements annuels qu’elle connaît sont devenus des indicateurs financiers importants. Une augmentation de la dette nette est perçue comme un fardeau supplémentaire placé sur les ressources futures des contribuables, tandis qu’une réduction de la dette nette est perçue comme un accroissement de la souplesse et de la viabilité d’un gouvernement. Un excédent annuel réduit la dette nette, tandis qu’un déficit l’augmente. 1.17 La dette nette d’un gouvernement est l’excédent des dettes sur les avoirs financiers. Les avoirs financiers sont les avoirs pouvant servir à fournir des ressources pour acquitter les dettes actuelles ou à financer les obligations futures. Si un gouvernement perçoit dans une année des recettes dont le montant dépasse les dépenses, il enregistre un excédent, qui donne lieu à une réduction de la dette nette. 1.18 Pour notre rapport de 1999, nous avons pensé qu’il serait utile d’examiner les changements dans la dette nette de la province au cours des dix derniers exercices. Ce qui motive notre examen de ces changements au cours des années est le fait que les changements dans la dette nette ne découlent pas tous des excédents ou des déficits enregistrés. Il peut arriver que des redressements comptables ponctuels modifient directement la position du solde d’ouverture de la dette nette. Ces redressements ne sont jamais visibles dans les excédents ou les déficits signalés. La pièce 1.1 montre les effets sur la dette nette des excédents et des déficits signalés pour les dix derniers exercices, ainsi que l’effet cumulatif des redressements comptables. Pièce 1.1 Changements dans la dette nette (en millions de dollars) 1.19 Comme on peut le constater, la dette nette de la province a augmenté, passant de 2 993,1 millions de dollars au 1 er avril 1989 à 5 912,0 millions de dollars au 31 mars 1999. Cette augmentation est répartie comme suit : 1 138,3 millions viennent du dépassement des déficits sur les excédents, tandis que le reste, soit 1 780,6 millions, est attribuable aux redressements rétroactifs apportés directement à la dette nette. Au cours de la période de dix ans, un certain nombre de redressements de la dette nette ont eu lieu; le redressement le plus important a été apporté en 1994, année où le gouvernement a inscrit une dette de 1 645,7 millions de dollars au titre des régimes de retraite. Une autre hausse importante a eu lieu en 1998 par l’inscription d’une somme de 289,8 millions de dollars pour couvrir les prestations de retraites accumulées, les crédits de vacances, la rémunération des enseignants durant l’été et les indemnités d’accidents du travail. Une réduction de la dette nette se chiffrant à 376,2 millions de dollars a eu lieu en 1995, année où le gouvernement a constaté pour la première fois ses placements dans les sociétés de la Couronne. 1.20 Il est important de comprendre que les divers redressements apportés n’ont servi qu’à constater des réalités. Ainsi, le fait que le gouvernement provincial ait constaté des éléments de passif non comptabilisés de 289,8 millions de dollars en 1998 ne pose pas de problème en soi. Le problème était que ces éléments de passif existaient, alors qu’ils n’étaient pas constatés. Bien que nous préférions certainement voir les décisions faire l’objet d’un traitement comptable correct au moment où elles sont prises, nous savons aussi que l’exercice de la comptabilité évolue avec le temps. Il est parfois nécessaire d’effectuer un redressement ponctuel important pour rendre les livres comptables conformes aux principes généralement reconnus en vigueur. 1.21 Nous sommes maintenant d’avis, cependant, que le gouvernement provincial se trouve à une étape où tous les redressements importants qui auraient dû être apportés l’ont été. À l’avenir, nous nous attendons à ce que l’état des recettes et des dépenses annuel reflète les résultats de toutes les décisions prises durant l’exercice qui ont des répercussions sur la situation financière du gouvernement, ce qui favorisera une meilleure prise de décision. Cela devrait aussi mener à une analyse plus valable des tendances de la dette nette, car les seules changements viendront des excédents et des déficits. Immobilisations corporelles 1.22 À l’heure actuelle, les états financiers de la province ne contiennent pas les investissements cumulatifs dans les immobilisations corporelles. Les dépenses annuelles de la province pour les immobilisations sont communiquées, mais les investissements cumulatifs dans des immobilisations comme les hôpitaux, les écoles, les routes et les ponts, ne sont pas divulgués. Dans la mesure où ces immobilisations contribuent à la prestation de services pendant un certain nombre d’années, il faudrait comptabiliser une attribution annuelle de leur coût, ce qui n’est pas fait au Nouveau-Brunswick. 1.23 Voici l’opinion du CCSP sur la question : « Il est nécessaire que le gouvernement présente des informations sur son parc d’immobilisations corporelles et sur l’amortissement de celui-ci dans ses états financiers condensés, afin de rendre compte de sa gestion des immobilisations et du coût de leur utilisation dans l’exécution de ses programmes. » 1.24 Des principes précis découlent de ce point de vue, dont les suivants : Les immobilisations corporelles doivent être comptabilisées et présentées à titre d’actifs dans l’état des immobilisations corporelles. Les immobilisations corporelles doivent être comptabilisées au coût. Le coût d’une immobilisation corporelle dont la durée de vie est limitée doit être amorti sur sa durée de vie utile d’une manière logique et systématique, appropriée à la nature de l’immobilisation et à son utilisation par le gouvernement. 1.25 Nous admettons que les conseils du CCSP en matière d’immobilisations corporelles sont relativement récents. Il y a cependant beaucoup de travail à faire pour pleinement s’y conformer, et nous incitons le gouvernement à élaborer un plan de mise en œuvre. La première étape consisterait à déterminer toutes les immobilisations corporelles ainsi que leur coût. Cela corrigerait une lacune importante, car le gouvernement n’a aucun registre complet et facilement accessible des biens qu’il possède. S’il avait des registres exacts des immobilisations corporelles, le gouvernement serait en mesure de rendre compte de sa gestion aux contribuables du Nouveau-Brunswick et il serait mieux placé pour poursuivre la mise en œuvre des principes du CCSP ayant trait aux immobilisations corporelles, notamment en ce qui a trait à l’amortissement et à l’établissement du coût des programmes.